lundi 23 février 2009

Procès Tiberi 9éme journée : les témoins

Compte-rendu : loly Clerc
Croquis : Jean-Louis Giron

Nous re-voilà entre nous : les témoins ont déposé hier, leur paquet de mauvaises nouvelles pour le couple Tiberi, maintenant il s’agit de revenir sur la fraude et ses mécanismes. C’est Farida Sahnoune qui ouvre le bal. Elle n’a changé en rien, même tenue, même forte voix, même répartie sans aucune retenue.


LE TRIBUNAL APPRECIERA
Elle veut tout de suite dire quelque chose d’important à ses yeux : « A la permanence, il y avait toujours beaucoup de monde, mais j’y ai vu souvent Monsieur Bardon ! ». Ca tombe à plat.
Le Président lui demande platement si elle a rédigé des inscriptions fictives.
- Oui. Une ou deux. Pas dix, pas trente, juste une ou deux claironne-t-elle.
- A la demande de qui ?
- Je ne suis pas en mesure de le dire. La permanence était pleine de monde et…peut-être de madame Affret, c’était la patronne.
- Et les certificats d’hébergement ?
Alors, là, elle ne se souvient plus de rien et surtout pas de ce qu’elle a dit au gendarmes. Elle nie avoir rempli plusieurs certificats, avoir reconnu l’écriture de Xavière Tibéri sur une annotation au crayon figurant sur l’un d’eux. Le Président insiste, repose plusieurs fois la question. Elle s’énerve !
- A la fin, cette émission c’est la multiplication des pains » devant l’éclat de rire général, elle corrige pas contente : « Si c’est l’écriture de madame Tibéri ça vient du ciel ! ». Et elle assure d’une voix de stentor, « Tout le monde était au courant, madame Tiberi, non ! Enfin moi qui ne suis que bénévole, je suis traitée comme une élue. (veut-elle signifier qu’elle est mise en examen ou que on lui attribue des responsabilités qu’elle n’avait pas ? Le président ne relève pas). Au fur et à mesure de la lecture de sa déposition, elle confirme et plus souvent nie. Par exemple la présence passagère de Jean Tiberi, « j’étais dans un autre bureau », le fait que Xavière Tibéri et Anne-Marie Affret étaient proches, travaillaient ensemble et parfois avaient des disputes violentes. Oui, elle admet et ajoute « qui n’a pas de temps en temps des différents ? ». Elle a dit aux gendarmes : « Jean Tibéri ne pouvait ignorer les fraudes mais il n’avait pas assez de cran pour faire cesser les fraudes ». Alors là, elle se défend comme un beau diable, gigote devant le micro et crie « Ah, non, c’est faux, c’est archi-faux, j’ai jamais dit ça, c’est pas mon tempérament ! ». Et exaspérée, elle nie désormais tout ce qu’on lui rapporte de sa déposition en garde à vue. Pour finir, au Président qui lui demande qsi elle n’a jamais porté des enveloppes et des dossiers au bureau des élections à une Antillaise comme elle l’indique, elle a un sursaut : « Je suis très nerveuse ! Je ne connais aucune Antillaise (NDLR Madame Matthias, témoin, travaillait au bureau des élection est Guyanaise et à ses yeux pouvait passer pour une Antillaise).
- Le tribunal appréciera ! conclut le Président Albert.
- Ah mais moi, j’apprécie pas du tout, ah mais pas du tout Monsieur le Président !
Le procureur lui fait regarder plusieurs documents : quinze inscriptions frauduleuses que l’expert graphologue lui a attribuées. Elle jette un coup d’œil et désinvolte hausse les épaules. « ce n’est pas du tout, mais pas du tout mon écriture ! Et pas du tout celle de madame Tibéri. ».




HISTOIRES D'ECRITURES
Madame Havre, épouse Matthieu était bien soucieuse de ces histoires d’écriture alors, elle a apporté des documents de sa main et de l’époque pour que tout soit net. Mais elle commence par dire qu’elle avait exprimé tout son mécontentement à avoir à héberger des inconnus à son adresse et apparemment sans qu’on lui ai vraiment demandé, en tout cas pas pour tous. « On m’a mise devant le fait accompli ! ». En fait, elle joue le même jeu que Farida Sahnoune : j’ai rien compris, j’étais pas là, je n’allais pratiquement jamais à la permanence, je n’ai rempli aucun document frauduleux…
Et votre mari, Monsieur Matthieu il siégeait à la commission de révision des listes et il hébergeait des électeurs ? Le président prend une voix d’une douceur exquise pour poser la question.
- On essaie un peu trop de me faire parler pour mon mari, maugrée-t-elle.
On lui parle d’une facture EDF qui s’est trouvée dans plusieurs dossiers… ». Mais je n’en sais rien ! Je ne comprends pas !
Elle est furieuse. Elle retourne s’asseoir. Au-dessus de sa tête, une bulle « Ah, on m’y reprendra à militer dans le 5e pour Tibéri ! » .




LES DILE
Monsieur Mondain, dans ses impeccables costumes sombres, souffre mais se venge. Ca se voit, ça s’entend : il se venge des humiliations subie pendant qu’il était à la mairie du 5e, et peut-être aussi de la tyrannie de Xavière. C’est pourquoi, il ne dénie pas grand chose. Ainsi, il ne s’étonne pas que l’on ait trouvé chez lui, une carte du RPR, un courrier signé de « madame Jean Tibéri l’autorisant à encaisser deux chèques », deux procurations dont il était mandataire pour les élections de 1995, et la carte d’électeur d’Olivier Baroin, un de ses amis hébergé chez lui fictivement puis ayant profité d’un appartement dans son immeuble pendant six mois vers 1995. Il se souvient d’avoir rédigé fictivement des dossiers d’inscription sur les listes électorales par correspondance, des DILE selon son expression, il a transporté des dossiers au bureau des élections en les remettant prioritairement à Olivier Favre, il a même porté un gros cartons de cartes d’électeurs depuis le bureau de madame Affret jusqu’au bureau des élections, un soir de novembre 1994. Il y a trouvé Favre, Mokricky et Affret mais il n’est pas resté, il était 18 h 30 ! Bref, il admet qu’il fait tout ce qu’on lui a demandé jusqu’au jour où, dans la petite cuisine derrière la permanence, Madame Affret lui a demandé des fausses signatures ! Alors là, il a dit non. Signer à la place des autres, il voyait bien que c’était des faux ! Le président s’étonne que ce ne soit qu’à ce moment là qu’il ait pris conscience qu’il était déjà en pleine activité frauduleuse. Il admet.
« Je n’étais que le simple exécutant des petites besognes, j’étais intégré dans un mécanisme bien huilé, je ne voyais pas de difficulté » jusqu’aux fausses signatures !
Mais il signale tout de même qu’il a été vraiment sous pression au moment des convocation chez le juge : le matin même il a rencontré Jaqueline Mokricky devant sa porte alors qu’elle n’a aucune raison de se trouver là de bon matin ! Et la veille, on lui avait fait savoir que Madame Affret voulait lui parler .
« Vous comprenez dit-il au Président, j’étais pris entre deux feux. D’un côté Tibéri, de l’autre Delanoë. J’étais contractuel et mon contrat arrivait à expiration ! » Abandonné par Tiberi, rejeté par Delanoë !
Les gendarmes lui ont demandé :
- Peut-on monter une fraude de cette ampleur dans le cinquième sans que Tiberi soit au courant ?
-Ce serait très difficile sans qu’il le soit. Ou alors, Madame Affret la grande Prêtresse aurait tous les pouvoirs ! Et je crois qui si on a l’aval de l’un, on a l’aval de l’autre.
- Mais pourquoi Madame Affret aurait-elle inventé tout ça ?
- Pour être bien vue !
Et voilà ! Monsieur Mondain va se rasseoir. Décidément il déteste madame Affret.



RECONNAISSANCE ET FAUTE VENIELLE
Annick Mercier a mauvaise mine mais son brushing est impeccable. Elle ne se fait pas prier pour, suivant la déposition de Ginette Hardhuin, admettre qu’elle a rempli une demande pour être sur les listes électorales pratiquement dès son premier jour à la mairie et qu’elle obtenu de son mari qu’il en fasse autant. Mais elle remplit aussi une demande de logement qu’elle n’obtiendra que beaucoup plus tard.
Elle dit aussi que les habitudes, les modes de fonctionnement de la fraude étaient installés visiblement bien avant son arrivée. Madame Affret l’a mise au courant par petites touches, progressivement de telle manière que lorsqu’elle a mesuré l’étendue de la fraude, elle était dedans jusqu’au cou.
Et lorsqu’elle explique que, justement, quand elle s’en est rendue compte elle ne pouvait plus refuser parce qu’elle avait peur de perdre son job d’une part que d’autre côté madame Affret était très gentille avec elle, elle fond en larmes. Elle avait un fils difficile, Madame Affret se montrait compréhensive et tolérante sur les horaires, elles se parlaient…Allez refuser de faire un faux certificat pour un électeur après ça ! La faute paraît vénielle. Et, l’idée qu’elle pourrait ainsi finir devant un tribunal ne l’a jamais effleurée même dans ses cauchemars.
« Je tolère mal qu’elle m’ait emmenée si loin mais en même temps je lui suis toujours reconnaissante de son aide, ce qui n’a rien à voir ! ».
Quant à l’appartement pour lequel elle avait rempli une demande en 1994, et bien elle l’a eu ! Mais en 2001, quelques semaines avant d’aller être entendue par le juge d’instruction ! Pur hasard ? Les mauvais esprits y verront une coïncidence. Mais Madame Affret a répété sur tous les tons que les choses « se font naturellement » !!!




BOITES EN BOIS ET LANGUES DE BOIS
Avec Olivier Favre, les mécanismes de la fraude se révèlent à nouveau. Le président donne des noms à titre d’exemple, le prévenu confirme. Mais plus intéressant, il note que en 1993, il a rencontré Monsieur Baillet alors chef du bureau des élections à l’hôtel de Ville. Or, il s’est révélé à l’époque, nombre d’électeurs dans tout Paris qui votaient dans un arrondissement et habitaient dans un autre. Il s’avérait qu’il faudrait radier tous ces noms. Mais à l’époque, Jean Tiberi étant premier adjoint du maire de Paris a refusé ces radiations.
Sur les logements attribués à de nouveaux électeurs, il révèle que Jaqueline Mokricky dès qu’elle recevait une demande de logement inscrivait immédiatement le demandeur sur la liste électorale du 5e, même s’il n’y résidait pas encore.
Quid des 7000 cartes qui revenaient à la mairie avec la mention NPAI (n’habite pas à l’adresse indiquée) ? Monsieur Favre là encore répond de manière précise : « dans les années 80, Claude Comiti, à l’époque secrétaire général dans le 5e avait fait fabriquer 36 boites en bois correspondant aux 36 bureaux de vote. Ces boites contenaient les cartes NPAI, et celles qui revenaient aux électeurs n’habitant pas l’arrondissement étaient prélevées après la fermeture des bureaux pour être soit remises en main propre soit envoyée par courrier à leurs destinataires.
-Combien de cartes étaient ainsi retirées ?
- J’hésite…1500 probablement.
-Qui savait ? demande le Président
- Tout le monde savait ! Monsieur Tibéri, Madame Tibéri bien sûr et les directeurs de cabinet successifs : madame Giannoni, Jaqueline Mokricky. Celle-ci s’occupait aussi de faire voter des gens dans le 5e et à qui on avait trouvé un logement hors de l’arrondissement.
Madame Tiberi nous a même dit de ne pas donner les cartes des gens radiés. Si Madame Tiberi nous le demandait, vous pensez bien que le maire n’avait pas dit le contraire. C’était un secret de Polichinelle.
On arrive à la fin de l’interrogatoire et soudain, Olivier Favre dit qu’il a quelque chose à ajouter :
« Vue la langue de bois des élus, je veux préciser une chose. En 1999, il y a eu une perquisition au bureau des élections dans le 5e, je m’en souviens bien parce que je m’étais cassé la jambe et j’avais du mal à marcher. En fait, je devais rester chez moi. Mais à dix heures du matin, j’ai reçu un coup de fil de la mairie me disant de me rendre immédiatement au bureau. Je suis venu et j’ai passé la journée avec les gendarmes qui ont tout fouillé jusqu’à 23 heures. Le lendemain, j’ai demandé et obtenu immédiatement un rendez-vous avec Jean Tibéri alors maire de Paris. Assistaient à ce rendez-vous, son chef de cabinet, Monsieur Grammont, et Raymond Nentien. J’ai dit au maire que j’avais peur, que ma responsabilité était engagée. Il m’a répondu « Ne vous inquiétez pas, on vous a toujours dit que la Ville de Paris vous fournira un avocat ! ».
J’ai eu franchement l’impression que tout le monde était parfaitement au courant ».

jeudi 19 février 2009

Procès Tiberi : 8éme journée : un système quel système !

Compte-rendu : Loly Clerc
Croquis d'audience : Jean-Louis Giron

C’est le jour des témoins. Ils viennent tous pour la partie civile, la défense n’en ayant cité aucun. Le président les appelle devant lui pour vérifier si aucun n’a fait défaut. Ils sont tous là.

Madame Choteau-Tremblay ouvre l’audience.Une femme mince aux cheveux courts et pâles, un visage aigu avec de grands yeux gris, apeurée peut-être, intimidée sûrement, elle s’exprime bien et lentement en choisissant ses mots. Avant d’arriver dans la mairie du 5eme, elle était inspectrice des écoles de la ville de Paris de 1980 jusqu’à janvier 1988. Elle exerçait dans les écoles des 5e, 6e et 7e. Mais elle avait envie de progresser et de changer de poste.


« TIREZ VOUS ET VITE ! »

C’est une excellente fonctionnaire qui dit : « aimer son travail parce que j’étais en contact avec les premiers usagers du service public, les enfants et leurs parents et cela m’intéressait beaucoup. » Elle ambitionne un secrétariat général de mairie et elle en a toutes les compétences. Elle se voit proposer le poste à celle du 5e par Jean Tibéri.
Il faut noter que cette femme d’apparence fragile est aussi rigoureuse et courageuse. Or, elle, qui était resté à son premier poste 9 ans, ne demeure à la mairie que du 1er septembre 1989 à juillet 1990. Une durée aussi courte à un poste qu’elle avait souhaité ? Ce n’est pas son genre et le Président lui en demande la raison.
- Dès mon arrivée, le directeur de cabinet du maire, Claude Comiti (ancien secrétaire général) m’a annoncé qu’il suivait la révision des listes électorales avec Véronique Bourgeix, mon adjointe et madame Leclerc, chef du bureau des élections. Or ce travail relève de mes attributions, le bureau des élections est placé sous mon autorité. Je cherche à comprendre, je n’ai aucune explication.
Madame Choteau-tremblay note des détails : elle a l’habitude de saluer tous les collaborateurs de la mairie chaque matin. Elle n’est pas très bien reçue au bureau des élections et rapidement renonce à s’y rendre. Elle apprend après coup des réunions entre Comiti, Bourgeix et Leclerc qui, en fait préparent les réunions des commissions de révision des listes qui se révèlent être des chambres d’enregistrement
Derniers détails : les relations avec Madame Tiberi. Un matin, Madame Choteau-Tremblay reçoit un coup de téléphone de Madame Tibéri, lui reprochant de « ne pas même lui avoir envoyer un bouquet de fleurs pour la remercier de sa nomination ! » Moi je croyais que je ne devais mon poste qu’à mes compétences et je le lui ai dit ! ».
Le 13 novembre 1989, on livre à la mairie les bulletins du recensement. Madame Tiberi ordonne à Madame Choteau-tremblay de photocopier les bulletins. Celle-ci refuse : c’est contraire à la loi. Deux jours après, elle voit le maire et, devant madame Tiberi, lui explique ce qui s’est passé. Il la regarde et ne pipe mot. Très choquée, Madame Choteau Tremblay comprend qu’elle ne restera pas à la mairie.
Elle en parle à Monsieur Baillet, chef du bureau des élections à la Ville de Paris et celui-ci a une réaction qui la stupéfie. Il lui dit : « Tirez-vous, et vite ! ».
Une autre manifestation de Xavière Tiberi contribue à hâter son départ : elle l’appelle alors qu’elle se trouve en congé chez ses parents le 24 décembre 1989, et lui reproche violemment de ne pas être à la mairie qui est restée ouverte pour une collecte de dons pour la Roumanie.
Dès le début de l’année 90, elle a décidé de partir, Monsieur Tiberi refuse d’abord puis finit par accepter. Mais jusqu’en 2001, elle n’a eu aucun avancement.


Devenant plus tard, secrétaire générale à la mairie du 6e, elle a pu faire la différence. A posteriori, elle a réalisé que Madame Tiberi gouvernait la mairie. » Dans ses souvenirs, demeure « l’impression très nette d’être surveillée, en particulier par mon adjointe Véronique Bourgeix, et les agents de la mairie n’osaient visiblement être proches de moi »
Le président lui pose une dernière question :
- D’après vous, la décision de vous écarter des élections est une décision de Monsieur Comiti personnellement ?
- Il ne décidait pas tout seul. Je pense que cela venait du Maire.

« QUAND MA FEMME DONNE UN ORDRE C EST MOI QUI LE DONNE »

Jocelyne Tavares lui succède. Elle a été secrétaire de Jean Tiberi pendant vingt cinq ans, de 1976 à 2002. C’est une petite femme, qui ne s’en laisse pas compter. Elle a connu tout le monde : les secrétaires généraux Madame Giannoni, Monsieur Comiti, Madame Tremblay, et même Monsieur Nentien et d’autres comme Jaqueline Mokricky, tous les gens qui ont travaillé place du Panthéon jusqu’à 2001. Elle s’occupait du courrier et des demandes d’interventions auprès de Mr Tiberi. Elle précise : « J’étais fonctionnaire municipale et pas militante, je ne l’ai jamais été. Mais quand madame Tiberi demandait qu’on aille distribuer des tracts à Mouffetard ou mettre des lettres sous pli à la permanence de la rue Vésale, il n’était pas question de refuser. Je l’ai fait une fois et dans les cinq minutes qui ont suivi, Jean Tiberi m’a appelée au téléphone : « Quand ma femme donne un ordre c’est moi qui le donne ! ». Toutes les secrétaires devaient donc obéir. Elle demandait –mais je ne l’ai fait qu’une ou deux fois- de téléphoner aux gens qui avaient quitté le cinquième pour leur demander de rester voter dans le cinquième.
Petite minute d’énervement chez les avocats de la défense : comment est-elle venue témoigner ? Elle explique qu’elle a appelé Lyne Cohen-Solal pour lui dire qu’elle voulait témoigner. Suspicion clame un avocat…La discussion s’enflamme. Au bout d’un moment, le Président impavide, annonce que la minute de récréation est terminée et ordonne une suspension.


CA SE CORSE

La journée s’étire mais chaque témoin apporte son lot de surprise. Avec Thierry Ottaviani, le mauvais jeu de mot s’impose ; ça se corse !
Malgré ses 35 ans, il a l’air d’un tout jeune homme mais à la barre il est grave. D’une certaine manière n’est-ce pas lui qui rompt l’omerta ? Ses parents étaient des amis d’enfance des Tiberi. Famille corse, né à Bastia, venus à Paris assez tard, lui et sa famille sont logés par les Tiberi et, après avoir milité pour le maire, il est engagé en 2001 par Tiberi pour écrire ses discours et rédiger le journal du 5eme. Très vite, il comprend qu’à la mairie du 5eme « madame Tiberi donne des ordres et on doit lui obéir. Or plusieurs fois, j’ai dit à Madame Tiberi que je ne voulais plus faire d’action militante. Une fois même au téléphone, et je l’ai entendue dire « Jean, tu entends comment il me parle ! ». En fait, les ordres de madame Tiberi, venaient de Jean Tiberi.Il me l’a dit lui-même : je devais obéir même si j’estimais que c’était injuste. Il faut savoir que Jean Tiberi est quelqu’un de méticuleux, qui supervise tout jusque dans les détails, il veut tout contrôler et suivre. IL ne délègue qu’à des gens qu’il connaît bien. Madame Tiberi était sa mandataire et Anne-Marie Affret obéissait comme les autres au doigt et à l’œil ! L’idée que madame Tiberi était un électron libre est une idée fausse. D’ailleurs, j’ai vécu et subi cette situation. »
Le Président aborde les fraudes. Le temoin n’était pas vraiment au courant mais il y avait de faux électeurs logés chez ses parents et sa sœur en 1993. Sa tante et sa cousine qui habitaient le 14 e, votaient dans le 5e. Sa tante est toujours sur la liste électorale du 5e.
-Vos parents ont-ils proposé à Monsieur Tiberi d’héberger des électeurs ?
- Ils étaient très proches mais j’ai du mal à imaginer une telle initiative de mes parents. Non, je pense que les Tiberi leurs ont demandé amicalement !
En 2008, le temoin comprend qu’il n’a aucune perspective d’avenir dans le poste qu’il occupe, que ses rapports avec le couple en particulier Madame sont difficiles et il cherche ailleurs. Jean Tiberi refuse son départ, puis accepte après un entretien au cours duquel, Ottaviani de son propre aveu, « lui pose des conditions inacceptables ».
Comme son témoignage s’achève, jean Tiberi saute sur ses pieds, s’avance et lance :
-Il n’est pas parti, je l’ai renvoyé !
-En effet concède, le jeune homme, vous ne vouliez pas me donner le poste que je demandais alors je suis parti.
- Mais il voulait être directeur général des services !
- Oui, répète, Ottaviani, nous sommes d’accord. Je savais que vous alliez refuser. Donc je suis parti !
Là dessus, le maire du 5e, se rassied. Il a sa tête des mauvais jours, bouche entr’ouverte, regard de côté, tourné vers la barre d’où se succèdent les menaces et les attaques.

UN CITOYEN EN COLERE

Avec Yannick Mazoyer, aujourd’hui responsable d’exploitation dans une société privée, c’est une possible image de leur avenir qui est offerte à certains prévenus. Il était accusé et condamné au procès Dominati, dans le 3e arrondissement. Comme il dit drôlement : « On rembobine, et on rejoue le même film ». Et il annonce qu’il est « un citoyen en colère, c’est pour cela que je viens témoigner, personne ne me l’a demandé » et d’ailleurs personne ne sait exactement ce qu’il a dire !
Le Président l’interrompt tout de suite sèchement : « Inutile si cela ne concerne pas l’affaire en cours aujourd’hui ! » et la défense intervient pour lancer :
- La Mairie de Paris fait citer un condamné dans l’affaire des faux électeurs du 3e arrondissement !
Pas d’échos.
- Alors vous voulez savoir les raisons de ma présence ?
Toute la salle, unanime opine silencieusement. Mais le Président répond :
- Je veux des faits !
Des faits, il en a ! « Mon père était garde républicain, habitait donc 21 rue Gracieuse, haut lieu de fraude électorale ! Ma famille a voté pendant quinze ans pour avoir des logements. Moi j’ai voté dans le 5e e tout en étant parti du 5e. Quand mon père à la retraite a eu besoin d’un logement, il en a trouvé par l’intermédiaire de madame Tibéri. On lui demandait à elle, elle transmettait et Jean Tiberi en trouvait un. Il est dans le douzième et continue à voter dans le 5e ! ». Yannick Mazoyer n’en a pas fini. Après, ses électeurs familiaux et faussement domiciliés, il parle du procès : « un copié collé de celui du troisième ! » et avertit les prévenus :
- C’était un système généralisé dans la Paris de 1980 à 1994 ! Enfin surtout il a été instauré dans certains arrondissements.



LES PROMESSES N ENGAGENT QUE CEUX QUI LES ECOUTENT

- Pourquoi ? Pour qui demande le Président.
- Pour monsieur Tiberi et Chirac. Ils voulaient le grand Chelem : 14 arrondissements sur vingt. Dans l’autre procès, le principal bénéficiaire n’a pas payé ! Et nous les petits nous retrouvons condamnés.
Enfin Yannick Mazoyer va pouvoir dire ce pourquoi il est venu et le Président, un peu éberlué semble-t-il (c’est assez rare pour le signaler) le laisse parler :
- Je suis une victime de plus de l’adage : « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Je précise que tout avait été prévu, le parti devait payer les frais d’avocats et les amendes, enfin tout. Je suis toujours en train de régler, parce que personne, vous entendez, personne, après les condamnations n’a levé le petit doigt ! On s’est tous retrouvés tout seuls. Pourquoi ce sont les petits qui doivent payer, alors que les gros, ceux à qui ça profite s’en sortent sans rien ? Et vous voulez savoir le pire ? Le jour du jugement, juste avant d’aller l’entendre, on était tous invité à boire un pot. J’avais l’impression que les élus savaient déjà le résultat. Et après, ce qui m’a aussi choqué, ce sont les medias : ils parlaient une fois de plus des élus qui s’en tiraient sans une éclaboussure et ignoraient les petits éboueurs qui avaient entraîné leurs parents dans la faute qui étaient condamnés à des peines de prison ! ».
Pour Yannick Mazoyer, la philosophie de la vie se résume à cette formule : Pour les éboueurs et autres semblables fantassins de la politiques, prison et amende, pour les élus, gagnants sur tous les tableaux : triche, gains, impunité !
Les prévenus assis en rang d’oignons, baissent la tête : ils ont de quoi méditer.

Jean Ferrari, un retraité à moustache, a l’air serein mais presque navré de tout ce qu’il va raconter. Après, les raisons de la colère, les ressorts de la fraude ! C’est un ancien attaché d’administration centrale au ministère de la Justice et à ce titre a été représentant du Préfet aux commissions de révisions des listes électorales depuis 1990 jusqu’à sa retraite, puis représentant du Maire de Paris. Il raconte :

UNE BANDE D’AMIS AUX COMMISSIONS ELECTORALES

« Au début, tout se passait assez simplement. Il n’y avait apparemment pas de problème. L’ambiance était amicale, tout le monde se connaissait. Enfin, pas moi mais j’avais l’impression d’une bande d’amis. En 1991, premier doute : 2 électeurs hébergeaient présentaient un certificat d’hébergement pour sept personnes chacun. 16 personnes logées dans deux appartements au 1 rue Saint-Médard que je connais pour être de très petits locaux ! J’ai fait un rapport à la préfecture, j’en ai parlé à Nentien qui m’a dit que tout était régulier.la séance suivante, j’ai signé.
Deuxième alerte : une dame décédé depuis 27 ans toujours inscrite! Des électeurs domiciliés sur un terrain vague. Alors en 97, on a radié sur les bureaux 7 et 12 , 25% des électeurs inscrits. A vrai dire, je sentais bien qu’il y avait quelque chose de douteux, ne serait ce que dans le fait que tous ces gens se connaissaient si bien aux commissions, en même temps, Nentien m’assurait qu tout allait bien. Dans le 5e, il y a beaucoup d’hébergements d’étudiants chez des parents, des amis…Chaque fois que je demandais à Olivier Fabre ou à Véronique Bourgeix des justificatifs, j’étais mal reçu. Un jour j’ai demandé communication de la liste INSEE des radiations, ils ne me l’ont pas donnée. Explication de Nentien : elle a été détruite. Bon, quand la plainte a été déposée, j’ai évidemment compris. »

« NENTIEN ETAIT TENU PAR TIBERI »

Raymon Nentien, je le comprenais aussi : quand on est secrétaire général, je l’ai été dans le 4e arrondissement, on doit parfois composer, je sentais qu’il était tenu par Jean Tiberi et qu’il risquait son poste. Je crois que les gens ne mesuraient pas l’étendue de ce qu’ils accomplissaient : ce n’était pas des petites fraudes artisanales c’était un système qui ratissait large et ne laissait rien perdre au hasard ! Tenez, j’ai le souvenir d’une dame qui habitait avenue Foch, et dans le 5e, elle touchait le RMI avec une chambre d’hôtel payée par la mairie pour aller voter ! ». Alain Ferrari n’est pas venu sans munitions : il a plusieurs dossiers de cas dont il a eu connaissance et qu’il a analysés et communiqués à la Préfecture sans réponse. Il les transmet au Président et aux avocats pour info.

DES BUREAUX DE VOTE CONTRAIRES AU CODE ELECTORAL

Philipe Baillet, petit râblé, ne met pas les formes comme monsieur Ferrari. Lui est direct, carré et ne s’embarrasse pas de mots et parle à la vitesse d’une mitraillette. Il était chef du bureau des élections à l’Hôtel de Ville. Il a une vue assez générale de la manière dont se passe les élections et leur préparation dans toute la ville. Il raconte d’abord quelques anecdotes, si l’on peut dire : « Un jour de 1984, j’ai reçu une note m’expliquant que les employés de mairie avaient une liste des gens âgés dans l’arrondissement auxquels ils allaient demander une procuration ! J’ai eu aussi un problème tout bête de bureau de vote et d’escalier dans le 5 e : il y avait des bureaux de vote situés dans les étages et inaccessibles aux handicapés et aux personnes âgées. Or c’est contraire au code électoral !Et puis la carte électorale était incohérente : les habitants du bas Mouffetard votaient en haut et vice et versa. Ca aussi c’est contraire au Code électoral. On a réussi à changertout ça, seulement en 2001 ! » Entre temps, le maire de paris a été Monsieur Jean Tiberi, or « le maire de Paris est l’agent de l’état pour les élections, pas les maires d’arrondissements . J’ai du mal à croire qu’il ignorait tout ça ! » Franchement, je soupçonnais des choses anormales, j’ai fait une note à ma hiérarchie que les gendarmes ont trouvée d’ailleurs, sans aucune réponse sauf de me tenir tranquille. En revanche, on a essayé de me faire partir ! En 1994, on m’a interdit de faire des notes. Ensuite chaque fois que j’ai voulu passer un examen, demander une mutation c’était non. J’étais devenu une nullité crasse.


UN ACCIDENT EST SI VITE ARRIVE

Je comprend Raymond Nentien : il est arrivé et a hérité sans être prévenu d’un truc un peu nauséeux ! S’il en parlait, il mettait sa carrière en jeu et qui sait, plus peut-être un accident est vite arrivé ! »
La défense bondit : « Vous parlez de qui ? Vous accusez Monsieur Tibéri ?
Il répond très tranquillement mais avec un grand sourire : « Monsieur Tibéri ! Pourquoi me posez vous la question ? Il ne se mettrait jamais dans une situation pareille. Mais je dis simplement qu’on voit des accidents tous les jours, est ce que c’est faux ? ». Maître Leborgne a beau être une grande gueule, il en a trouvé une autre et il sent que l’escarmouche va mal tourner et se rassied.
Le président demande « est-il exact que vous avez dit à madame Choteau-Tremblay « Tirez-vous » quand elle vous a parlé de la situation ?
-Exacte. J’ai même dit « Tirez-vous ça pue ! ». Quand on trouve un truc qui pue qu’est ce qu’on fait ? On se tire ou on nettoie. Elle n’avait que la première option ! ».

MILITANTITSME OU MALHONNETETE POUR LES EXECUTANTS ? 50/50

Les gendarmes qui ont réalisé l’enquête terminent l’audience. L’adjudant Bazin d’abord. Il a travaillé sous l’autorité d’un magistrat et rédigé la note de synthèse. Il explique tout de suite qu’il n’a reçu aucune pression de sa hiérarchie, mais tout ce travail a été accompli seulement à trois. Ce qui est assez remarquable si on pense que l’instruction se compose de 13 volumes de plusieurs kilos chacun.
Le président déclare que, vu que l’enquête a été conduite sous la direction d’un magistrat, il lui fait confiance et ne posera aucune question, et laisse donc la place aux avocats, partie civile d’abord.
Ceux ci lui demandent comment se sont passés la garde à vue, plusieurs prévenus soutenant qu’on leur extorqué des aveux sous la pression, que des réponses ont été suggérées. Faux évidemment. Sur la corruption qu’entraînaient les fraudes électorales, l’adjudant Bazin est catégorique : « Que ce soit pour obtenir des places en crèche ou des logements, il fallait être inscrit sur des listes électorales. Je ne le déduis pas, on me l’a dit à plusieurs reprises. »
- A combien estimez vous le rôle du militantisme et celui de la malhonnêteté dans les agissements des prévenus ?
- C’était 50/50 mais ça continue !
- Le chiffre de 200 électeurs est il représentatif ?
- Non ! Cela concerne 1994 mais année après année, ce chiffre augmente, on en a beaucoup plus !

IL EST INCONCEVABLE QUE JEAN TIBERI N’AIT PAS ETE AU COURANT

Le maréchal des logis chef Guessant a travaillé à l’enquête de 2000 à 2003 : il a connu 4 juge d’instruction et 7 commission rogatoires. Lui aussi, on l’interroge sur les gardes à vue :
- Certaines personnes se sont mises à pleurer. Je suis persuadé que pour elles, cette garde à vue était un soulagement après des années de pression et de stress. Je mets à part le cas de madame Mokricky, car sa garde à vue ayant été prolongée, elle a fait une crise de nerfs. Mais je suis restée à côté d’elle vingt quatre heures et j’ai veillé à ce qu’elle soit confortablement traitée.
- Que pensez-vous du couple Xavière Tiberi-Anne-Marie Affret ?
- Deux personnes omniprésentes, qui donnaient toutes les directives. Il est inconcevable que Monsieur Tiberi n’ait pas été au courant.
- Vous avez écrit : « Il est louable de penser que les petits étaient des prête-noms pour le couple Tiberi.
- Je maintiens.
Pour les deux gendarmes, le délit est continu : ils ont repéré des électeurs inscrit frauduleusement depuis 1957. Le chiffre de 160 électeurs n’est qu’un échantillonnage et ne correspond pas à la réalité, le vrai chiffre est plus important.
Encore une question : « Quels éléments vous permettent d’incriminer Jean Tiberi ?
- Son rôle est matérialisé par celui de son épouse !

Dans le hall, alors que tout le monde, comme chaque soir échange ses impressions, l’adjudant Bazin me dit que le chiffre de 7000 électeurs lui semble infiniment plus proche de la réalité, et qu’il est dans la fourchette inférieure. Et il ajoute : « Si nous avions voulu interroger tous les gens qui avaient eu une inscription frauduleuse, et leurs complices involontaires ou non, nous en avions, à trois, pour trois ans à raisons de huit heures par jour sans arrêter les week-end ou les vacances ». « Un système ? Quel système » comme dit Jean Tiberi.

mardi 17 février 2009

Procès Tiberi 7éme journée : l'opération tête bêche

Compte-rendu : Loly Clerc
Dessins d'audience : Jean-Louis Giron

Au septième jour du procès des faux électeurs, on mesure comment le président Albert a construit les audiences : comme une pièce de théâtre classique : première semaine et début de la seconde semaine, exposition décor et personnages, l’intrigue se noue, fin de la seconde semaine, l’intrigue fait sentir ses effets : la fraude s’expose. Viendront enfin les confrontations et les plaidoiries. En somme, une montée dramatique parfaitement organisée avec des protagonistes ne se départissant pas de leur rôle.

L’OPERATION TETE BECHE
Ainsi, Jaqueline Mockriky ! Elle est la secrétaire modèle qui a perdu la mémoire : elle ne se souvient de rien. Que des gens n’habitent plus le 5 e et continuent à voter, elle ne voit pas de mal à cela, qu’un parallèle puisse être établi entre les demandes de logement et les demandes d’inscriptions sur les listes électorales, elle ne comprend pas… Il semble qu’elle n’ait eu connaissance de toute l’affaire que par la presse et lorsqu’on l’a maintenue en garde à vue. Elle essaie de faire passer le message selon laquelle la garde à vue a été très dure mais le Président balaye l’argument. Le problème de Jacqueline Mockriky c’est que, ne se souvenant de rien, elle s’obstine à citer les éléments du dossier dont elle a eu connaissance et cela finit par agacer le tribunal. Elle ne reconnaît rien. Elle n’allait jamais au bureau des élection sauf une fois, à la veille des élections de 94, pour voir si les cartes de quelques personnes qu’elle connaît et qui ne l’avaient pas reçues, s’y trouvaient… ». Comme c’est curieux dit le Président, et vous y avez rencontré Mesdames Tiberi, et Affret ! ».Elle concède que oui.
En 97, non, elle n’y a jamais remis les pieds. « Vous ne vous souvenez donc pas de ce que vous avez dit aux gendarmes ? Vous avez trié certaines cartes et les avez mises tête-bêche. Vous êtes la seule à l’avoir dit. .. ». « On reparlera de cette Opération Tête bêche » dit le président à qui l’expression plait visiblement. Reste 191 cartes marquées de ses initiales. Alors ça, elle ne voit pas du tout qui a pu mettre ses initiales, pas elle en tout cas. Bref, Jaqueline Mockriky devenue chef de cabinet à coup de promotions internes a beaucoup pratiqué le « peut-être », « il me semblait que » « Naturellement.. » et finalement n’a rien lâché. Une secrétaire modèle au sens où elle sait garder tous les secrets du patron.


JE M'OCCUPAIS AUSSI DES VRAIS ELECTEURS

Avec Madame Affret, on est constamment partagé entre le rire et la compassion ou un certain écoeurement. D’emblée, elle reconnaît tout, la coordination des petites mains c’est elle, l’organisation de la fraude c’est elle mais « on ne faisait pas que des faux électeurs, Monsieur le Président , je m’occupais aussi des vrais électeurs du cinquième ! ». La vraie question évidemment demeure : pourquoi ? Pour qui ? Et là, elle reste soudain très vague :
- Le Président : Je cite Madame Hardouin « Dans cette mairie, on ne pouvait pas avoir toutes les initiatives ! ».
- Madame Affret : « C’est sûr ! Je ne dirigeais pas la mairie !
- Le Président, cite toujours madame Hardouin : « Au dessus de madame Affret, il y avait Madame Tiberi et Monsieur Tiberi ». Alors qu’en pensez vous ? Je ne vous demande pas de balancer madame Affret.
- Madame Affret : « Je n’accuse personne. j’assume la responsabilité de ce que j’ai fait mais je ne dénonce pas ».
Tout son système de défense se tient là. Madame Affret, c’est le dernier rempart des Tiberi avec Jaqueline Mockricky, tous les autres ont lâché, pas elles. Et puis, elle explique que cette fraude, elle ne s’en est pas rendue compte en fait : « les choses se sont fait naturellement, peu à peu, tout le monde s’entendait bien… ». En revanche, elle charge Nantien. L’ancien secrétaire général se voit ramené à sa responsabilité administrative, Madame Affret explique qu’elle ne connaissait pas le code électoral, qu’elle agissait souvent à la demande de Nantien, que tous les dossiers passaient par lui et donc… « Je prends toutes mes responsabilités, dit-elle, mais pas au-delà » !. Ainsi, elle nie avoir conseillé fortement aux demandeurs de place en crèche de s’inscrire et de voter : « Ah non, on peut tout dire et n’importe quoi, mais là, je vous dis la vérité ! » , De même elle n’aurait jamais donné des indications aux gardiens d’immeubles où étaient hébergé les électeurs fictifs : « Trop c’est trop , je n’ai pas fait tout toute seule ! ».
Puis le Président lâche prise. Surprenante Madame Affet. Au Procureur qui lui demande si tous les Vechione qui étaient hébergés au 1 rue saint Médard (il y en a une douzaine !) sont tous logé là, elle répond :
-C’est ma famille ! Je suis ravie de pouvoir en parler…Et la voici qui se lance dans une généalogie complexe où s’entremêlent habitat, origines, déménagements et affection. Et elle conclut : « Nous aimions l’idée d’aller voter tous ensemble dans cet arrondissement que nous aimons, c’était comme une partie de campagne ! C’était purement affectif ».
Tactique formidablement efficace : les interlocuteurs sont noyés sous un flot de paroles partant dans tous les sens. Le Président a tenu une heure, les autres calent assez vite. On ne tire donc pas grand chose de cet interrogatoire : elle se place sous l’autorité de Monsieur Nantien, tout en admettant ses fraudes. Quant à madame Tiberi , Madame Affret dit : « Moi, je ne prends pas d’initiatives, alors je ne vais pas donner des ordres à Madame Tiberi. Elle est la femme de l’élu ». Puis elle ajoute qu’elle « n’est pas l’organisatrice de tout cela. ». Tout de même, les avocats de la partie civile tentent un baroud d’honneur :
- Maitre francis Coguel : « Vous êtes la première élue après le maire, ne trouvez-vous pas qu’il y a un certain cynisme à dire je reconnais avoir fait des faux mais il appartenait au secrétaire général Monsieur Nantien de tout arrêter en les mettant à la poubelle ?
- Madame Affret Non je ne trouve pas ça cynique.
- Maître Francis Goguel : « Mais à qui ça profite ? A Nantien ?
- Madame Affret : Non à l’élu. Ce sont les élus qui se présentent !

RIEN VU RIEN FAIT

Madame Tibéri vient à la barre très décontractée, son manteau renvoyé sur ses épaules comme un décolleté années cinquante. Elle n’a rien vu, rien fait, tout découvert chez le juge. D’emblée, elle précise :
- Vous parlez de système ! Mais si c’était un système il y aurait des milliers de voix en trop alors que là, même pas deux cent voix ! (Dans sa voix un rien de mépris, un je ne sais quoi qui trouve que franchement, s’affoler pour deux électeurs fictifs !). Après, elle continue sur sa ligne de défense : pas là, pas concernée, femme d’élu sans pouvoir. Elle ignorait tout des activités frauduleuses de madame Affret, tout au plus concède-t-elle qu’elle savait que des gens continuaient à voter dans le 5e par affection ou amitié !
- Mais enfin, dit le Président, vous avez entendu le témoignage de Madame Harduin malheureusement décédée aujourd’hui. Elle vous cite partout.
- Madame Harduin perd ses centres (sic). Elle était malade. Mon omniprésence est une vaste blague !
- Mais enfin, elle n’est pas la seule à vous avoir entendu demander qui voulait héberger des électeurs !
- Ce n’est pas moi, ce n’est pas madame Affret.
- Personne ne veut porter le chapeau, pourtant, il y a un chapeau soupire le président.
Ensuite, ça continue, : « les cartes d’électeurs ? Jamais vues, je suis trop brouillon, je les perdrais ! » Le témoignage de madame Matthias ? « Oh, elle me déteste, elle me déteste, elle me déteste ! » Monsieur Nantien ? « c’est un amer, un déçu un déchaîné qui dit n’importe quoi » Sur son banc, le déchaîné fait penser à tout sauf à de la violence même verbale !.Les douze personnes qui la mettent en cause ? « Des menteurs, des aigris. »
-Le Président : Dites moi quel est l’intérêt des fonctionnaires de la mairie de faire des faux ?
-Madame Tiberi (marmonnant) : Qu’est ce que c’est que cette question (comme si elle ne l’avait pas prévue dans son training de défense).
-Le Président : Madame Affret agissait-elle sur les ordres de Monsieur Nantien ?
- Madame Tiberi : C’est l’homme le plus amer de la terre. !
Imbattable, Madame Tibéri, ne reconnaissant rien même l’évidence.
UN SYSTEME Où ?

Jean Tiberi arrive à la barre en fin de journée. Il reprend le même système de défense que sa femme mais plus élaboré : « On a parlé d’un système, la presse a donné des chiffres fantaisistes finalement de 12000 on est passé à 7000 puis 5000 pour traiter ici moins de deux cent votes. Ce sont des opérations qui ne sont pas un système !
Le Président enregistre mais s’obstine :
- On a l’impression d’une routine qui a perduré !
- Je ne peux pas répondre. Il n’y avait pas d’ordres. Je pense qu’il s’agissait de comportements naturels.
- Peut-on faire des faux naturellement ?
- Ah non certes pas ! Il est vrai que de bonne foi, certains ont fait des faux dans l’enthousiasme d’une campagne électorale. C’est regrettable.
La défense de Jean Tibéri est simple : puisqu’il était élu confortablement pourquoi se serait-il lancé dans une opération douteuse ? « Si j’avais su jamais je n’aurais permis de telles manœuvres. D’ailleurs cela ne m’est jamais revenu aux oreilles ! ».
Le Président s’étonne de ce que madame Tibéri ne lui ait jamais parlé de quoi que ce soit. Même défense : « Ma femme avait une liberté totale d’action. Je lui faisais confiance. Son rôle était limité. Et elle n’aimait pas que je la surveille et que je lui pose des questions ».
Mais , le Président insiste « Comment expliquez vous qu’elle soit citée par tant de témoins et de prévenus »
- Elle est très connue. Madame Matthias qui a déposé contre elle était animée par une forte hostilité et montée par la partie civile. Des témoins peuvent mentir effrontément.
Le président évoque la réunion de 1997 où on signale la présence de Jean Tiberi au bureau des élections. Il balaye d’un revers de main : « Mensonge total ! ».
Enfin, le Présidentsort une liste où sont mentionnés de la main de Jean Tiberi des appréciations sur certains électeurs, entre autres certains fictifs. Là, Jean Tiberi marque une légère hésitation, une légère déstabilisation aussitôt reprise :
- Je m’étonne que cette liste ait pu tomber entre les mains de monsieur Nantien.
Mais il n’en dira pas plus. Tout tourne autours de l’activité des fonctionnaires et des militants RPR, tous selon lui, gens de bonne foi, connaissant mal les lois. Avec peut-être certains fonctionnaires qui, comme Nantien « auraient du, dit sévèrement Jean Tiberi, dès qu’ils en ont eu connaissance aller tout dénoncer au Procureur ! ».
Un silence se fait. Le président dit doucement :
- Et vous Monsieur Tibéri ?
Encore un silence, à la barre, l’autre, surpris, ne sait plus où on va. Il hésite et dit :
- Moi Monsieur le Président ?
Le président laisse passer quelques secondes et dit qu’il en a fini.
Là encore les parties civiles tentent quelques questions mais en vain.

A la nuit tombée, les parties civiles traversant la grande cour pavée du palais de Justice tentent un bilan : Madame Affret se dresse devant les Tiberi comme une dernière défense. Mais elle est fragile :elle ne peut admettre qu’elle avait tous les pouvoirs à la Mairie, et ne peut non plus concéder que tout était verrouillé par le couple. Elle se décharge donc sur Nantien. Or celui-ci ne va sans doute pas se laisser accabler. Finalement le bloc Tibéri est acculé à nier. Pour combien de temps ?

jeudi 12 février 2009

Procès Tiberi : quatrième journée : les élus, la mairie, la permanence

La seconde semaine s’ouvre avec un certain suspense : aujourd’hui, les accusés les plus importants dont Xavière et Jean Tiberi seront interrogés. Les avocats qui, pour certains étaient allés vaquer à leurs autres affaires, reviennent ; la presse, malgré la présence d’Yvan Colonna aux Assises remplit ses bancs et dans le public, des supporters du célèbre couple. Une dame a même fait le voyage de Corse ! En bref : l’audience fait salle comble.


Cela ne trouble évidemment pas le Président qui commence par réorganiser la rangée des prévenus assis devant lui. Cela donne, de gauche de la barre : Jaqueline Mockriky, Xavière Tiberi, Jean Tiberi, Bardon, et Anne-Marie Affret, devant leurs conseils, et à droite de la barre, de gauche à droite, Raymond Nantien, Olivier Fabre, Mercier et Farida Sahnoune. Pourquoi remplacer à coté de Xavière, Olivier Fabre par Jacqueline Mockriky la fidèle collaboratrice de Jean Tiberi, celle qui n’a rien vu, rien entendu ? Sont-ce d’un côté les prévenus qui ont déjà fait des aveux, de l’autre ceux qui n’ont rien voulu lâcher ? Les voies du Président sont insondables.
Mais ce faisant, le président constate qu’il manque une prévenue, Madame Havre. Où est-elle ? On téléphone, on s’alarme, rien ! Madame Havre demeure invisible pendant toute l’audience. Mais assez de temps perdu, voici à la barre, Bernard Bardon, ancien collaborateur de Jean Tibéri, maire du 5eme, lorsque Jean Tiberi a succédé à Jacques Chirac à l’Hôtel de ville.

"UN MAIRE DE TRANSITION UNE POTICHE"
Les myopes ont derrière leurs lunettes, un regard d’enfant perdu, cela leur confère un certain charme. C’est le cas de Bernard Bardon. Il est de la race des éternels grands jeunes hommes, avec son épaisse chevelure noire et son air effaré d’être là. D’ailleurs, avant l’audience, où pendant les suspensions, il ne se mêle pas aux autres prévenus, il confère avec son conseil ou reste seul, appuyé à la balustrade du grand escalier. Pour un peu on le plaindrait. Mais basta ! Comme dirait Xavière. Bardon, ce n’est pas que ça : militant étudiant , il rencontre Tiberi en 1974 et colle ses pas dans les siens. Donc l’UDR puis le RPR. On lui confie le secteur de la jeunesse : à la Fédération de Paris puis au Conseil National. Monsieur Bardon n’a plus le temps d’étudier le droit, au bout de deux ans, il quitte la fac et devient agent administratif contractuel, puis officier municipal en 1980 chargé de la jeunesse et des sport, dans le 5e. Après la réforme qui donne un Maire à Paris, il est de 83 à 89, le collaborateur de Jean Tiberi qui est lui, maire du 5e, adjoint de Jacques Chirac et député. Aux élections suivantes dans le cinquième, il est sur la liste Tiberi. Il y retrouve Madame Affret, Madame Bach, Monsieur Baecht… Les mêmes qu’aujourd’hui, comme dit Xavière « on ne change pas une équipe qui gagne ». Elu, il sera Conseiller de Paris, collaborant avec l’adjoint en charge de la jeunesse et des sports.
Voici, Jacques Chirac, président, l’élection de Jean Tiberi à la Mairie de Paris. Pour le remplacer dans le 5e, Bardon est élu… Le parcours est jusqu’ici sans faute. Mais, n’est-ce pas une progression en trompe l’œil ?
A la barre, il apparaît soudain comme un homme totalement désabusé. Il dit de lui-même qu’il « était un maire de transition, une potiche. J’avais dans mon Conseil d’arrondissement, le maire de Paris également député, mon inexpérience à côté de lui était flagrante. Du reste l’administration, que ce soit à l’Hotel de Ville ou à la mairie du 5e le savait bien. J’étais mis en retrait ». Il cite de pathétiques exemples, des invitations de la Mairie du 5e où son nom ne figure pas, des inaugurations dans l’arrondissement où il ne peut pas prendre la parole. Alors il se cantonne dans le fonctionnement : crèches, Centre d’Action sociale, écoles…Et il dit que Bernard Nantien en le qualifiant de potiche, a exprimé le sentiment général.
Le bureau des élections ? Il n’y passait jamais, pourquoi faire ?. Il n’allait jamais non plus à la permanence de Madame Affret sauf pour demander des places pour les matches de foot. Lui avait un bureau mais pas de permanence.
- Mais enfin s’agace le président vous étiez le maire élu !
Bardon ne répond pas. Il explique que la permanence de Madame Affret, était aussi celle de Jean Tibéri comme parlementaire et que tout ce petit monde « vivait en autonomie ». Quant à lui, son bureau était occupé par Xavière Tiberi lorsqu’elle venait à la mairie et que lui n’y était pas, mais il précise : « La femme du Maire de Paris était chez elle partout ! ». Que Xavière et Anne-marie Affret soient décrites comme « les deux bras droits de Tiberi », il l’admet volontiers. Du reste, il ne voyait pas de limites aux compétences de la première adjointe. Après un temps de silence embarrassé, il ajoute « je ne voyais pas le moyen de m’y opposer. Cette équipe, ce fonctionnement a perduré. Il était comment dire « dans les murs ». Cette fameuse « permanence » apparaît peu à peu comme le centre vital de la mairie.
Sera-ce le système de défense de Bernard Bardon, celui qui consiste à dire : « Je n’avais aucun pouvoir, j’ai tout vu sans pouvoir faire quoique ce soit puisque je n’étais pas dedans ? ». A l’appui de cette thèse, le fait qu’il n’a choisi ni sa chef de cabinet, Jaqueline Mockriky, qui lui a été imposé directement de l’Hôtel de Ville, ni ses adjoints. Tout le monde prenait ses ordres là bas. « Par exemple les arbitrages budgétaires qui auraient du m’incomber étaient faits par madame Mockriky en accord avec Jean Tibéri » !
Quand éclate l’affaire, il subit cette « ambiance pesante, les perquisitions, les allées et venues des gendarmes, les camionnettes qui chargent les dossiers et la garde à vue. Monsieur Nantien s’est ouvert à moi, plutôt un appel au secours. Je lui ait dit « Vous connaissez mon poids ! ». Il était brisé par ce qui lui arrivait. Il a dû vouloir en parler avec Monsieur Grammond chef de cabinet de Jean Tibéri à l’Hôtel de Ville mais je ne me souviens pas s’il l’a réellement fait.
Ensuite les avocats des parties civiles lui demandent s’il a désigné les membres des commissions électorales le représentant et ses adjoints, s’il a attribué des logements, s’il a fait des interventions… C’est non chaque fois. Quant à remplacer l’équipe de Tibéri par la sienne, il affirme que c’était hors de question : « Je n’avais aucun moyen pour le faire et Tibéri reviendrait, je le savais ! ». Et la présence de Xavière Tiberi ? « Je la subissais ! ».
Aujourd’hui, Monsieur Bardon est directeur adjoint de la Maison de la France à Stockholm !

Avec Bardon, s’achève une première partie d’interrogatoire, celle des « petites mains », ceux qui étaient aux ordres. On y voit des militantes enthousiastes comme Farida Sahnoune, et Madame Havre, d’autres plus désabusés comme Bardon, des fonctionnaires zélés comme Jaqueline Mockriky et même Raymond Nantien si bourrelé des remords soit-il, ou Mercier dont on sent qu’elle était totalement dépassée, d’autres qui ont tracé leur chemin de bureau en bureau, à l’ombre des murs de la mairie du 5e comme Olivier Fabre. Si différents soient-ils, ils ont tous un point commun : ils étaient des obligés de Jean Tiberi. Est-ce peu courant ? Non probablement. Dans toutes les mairies, les édiles s’attachent des équipes. Mais dans le système Tiberi, on a bien vu que cet attachement se payait d’une acceptation de pratiques obscures et d’un silence…complice.

MILITANTE DE CHOC ET BILLEVESEES
La prestation de Xavière Tiberi, est attendue comme celle de la prima donna, et elle le sait. Donc, la voici à la barre, ramassée sur elle-même, repoussant son manteau trois-quarts sur les épaules, et d’un signe, portant sa main à l’oreille indiquant au Président qu’elle n’entend pas bien. A celui-ci, qui lui demande de définir son rôle, elle rétorque bien campée sur les deux jambes :
« On me prête un pouvoir que je n’ai jamais eu. Je suis une militante de choc. Le reste, ce sont des fariboles ! J’ai entendu tellement de mensonges que j’en ai des pulsations….Je suis sur le terrain, un électron libre depuis plus de 50 ans ! Quand Tiberi voulait être maire de Paris en 1994, j’ai sillonné les rues de Paris avec les élus, je suis allée dans les maisons de retraites, dans les logements sociaux. Mais ce n’est même pas moi qui ait constitué un comité de soutien. »
Curieusement, elle dit « Tiberi » plus tard « Jean » mais rarement « mon mari »…
Elle explique qu’une fois son époux élu, elle avait de multiples obligations de représentation et qu’elle n’avait pas le temps d’aller dans le 5e sinon de temps à autre.
- Qui était votre chauffeur ?
- Je n’avais pas de chauffeur, je n’avais pas de bureau, je rendais simplement visite à tout le monde. Mensonges ! Mensonges ! Mensonges ! Deux personnes m’accusent l’un parce que Jean a été trop gentil avec lui et l’autre parce qu’il voulait être calife à la place du Calife ! »
Elle désigne ainsi Nantien et Bardon, dont on lui fait observer qu’il était en effet calife à la place du Calife puisqu’il était maire du 5e.
Elle hausse les épaules. « Bardon, c’est n’importe quoi ! J’allais le mercredi m’occuper des crèches. Les crèches ça m’intéresse ».
Et puis du coq à l’âne, elle lance : « Tiberi est parti de la mairie de Paris, plus pauvre qu’il n’y est rentré ! »
Enfin, après qu’on lui ait demandé si elle connaissait Olivier Fabre (« Je le croisais, toujours très poli… », elle dit que lorsqu’elle arrivait, le courrier était déjà dispatché ! Lorsqu’on lui demande son avis sur madame Mercier : « Elle n‘était pas ma secrétaire ! Elle a toujours fort bien fait son travail, aimable compétente, je l’entendais répondre au téléphone toujours très bien. ».
Le Président voudrait comprendre la différence entre la permanence et les bureaux. Ce n’est pas très clair dans son esprit, ni dans le nôtre d’ailleurs. Mais apparemment, dans l’esprit de l’équipe de Tiberi, ça n’a rien de compliqué !
Xavière explique qu’il y a une permanence politique et une permanence de l’élu et une salle d’attente. Elle trace dans les airs une configuration idéale. La permanence du maire celle de l’élu, « les militants viennent y coller des enveloppes, pour les invitations aux expositions aux concerts… ». Xavière précise : « c’était une équipe extraordinaire Mr Mondain par exemple très cultivé, très méticuleux est venu m’aider à la Mairie de Paris. Je ne sais pas ce qu’il faisait dans le cinquième, Homme à tout faire ? Ah non sûrement pas ! ».
Madame Mockriky ? Elle est arrivée très jeune mais c’est une grande travailleuse. Je ne l’ai jamais surprise à faire autre chose que son travail. Elle n’a pas fait carrière (sic) de secrétaire, elle est devenue chef de cabinet.
Madame Affret ? « Ah, Madame Affret ! Elle a consacré sa vie au cinquième arrondissement ! Tous les jours, samedi et dimanche compris ! Elle est charitable, intègre,, elle est partout. Elle est née avec le sens de la communication. Je l’accompagnais dans les rues, chez les commerçants, tout le monde la connaît !
Xavière tressant des couronnes à son amie est brutalement interrompue par le président :
- On a dit que vous vous parliez en corse et en italien
- Ah mais le corse et l’italien n’ont rien à voir ! Il n’y a pas de connivence dans le parti de mon mari. Mais il suffit qu’on ait un nom en I, ou en A pour être suspect !
- Justement madame Affret, remarque le président, un peu dépassé par le torrent Xavière, madame Affret c’est ET…
Mais Xavière ne l’entend pas. Elle rappelle ces moments agréables où pour oublier un peu le vrombissement de « la ruche », elle et Anne Marie Affret s’isolaient pour boire un thé dans la petite cuisine qui jouxte la permanence.
- Et rue Vésale vous y alliez ?
- Ah du matin au soir !. J’étais une militante de base ! Et du coup j’ai été le maillon faible qu’il fallait abattre.
Puis elle demande à boire, annonce que sa tension est à 18 ! Jaqueline Mockriky qui même au tribunal n’oublie pas son rôle, lui sert à boire.
Le Président après lui avoir demandé comment elle a vécu l’affaire, l’entend répondre que la seule personne qui n’ait pas tourné le dos à Jean, est le Président Sarkozy et qu’elle-même a été traînée dans la boue. Alors, il l’abandonne aux avocats de la partie civile.
Ceux-ci lui citent des réflexions des autres prévenus tendant à prouver qu’elle avait un poids important dans la gestion de la mairie du cinquième. Elle s’insurge :
- Billevesées ! Mensonges ! Comment pourrais-je diriger une mairie ? Il y a des commissions, des prud’hommes, des syndicats, des fonctionnaires ! (sic !) Et les fonctionnaires sont les fonctionnaires ! Ce sont des mensonges proférés par les juges et les gendarmes. Je ne suis rien, je suis une subalterne. Et je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas pu aller saluer des gens que je connais depuis trente ans !
- Alors dit l’un des avocats, c’est une cabale ?
- Cabale ? Mensonges, peu importe ! Appelez ça comme vous voudrez !
- Et les secrétaires généraux, vous les avez tous connus. Vous avez parlé de tous sauf de Madame Tremblay !
- Ah Madame Tremblay, parlons-en ! Elle pleurait tous les matins !

Et puis Madame Tiberi Xavière, va se rasseoir. Le président décide une suspension de séance. Dans le hall, deux avocats de la défense se retrouvent.
- Alors dit l’un qui vient d’arriver, comment ça s’est passé ?
- Moyen, dit l’autre, très moyen !

PREMIERE ADJOINTE 24H24
Voici venu le tour d’Anne-Marie Affret, elle est au cœur du système, du moins c’est ce que tous les prévenus ont déclaré. Elle va, à son corps défendant, tout –ou presque corroborer. Cette petite femme, dure à la tâche, volontaire énergique se cramponne à la barre. Comme la plupart des prévenus, sa formation est minimale : vendeuse en parfumerie rue Mouffetard et militante UDR puis RPR. Elle rencontre Jean Tiberi et fait campagne pour lui. Elle explique et c’est confus qu’elle « n’avait que ça à faire »
Elle est sur sa liste en 1983, et grimpe les échelons : conseillère d’arrondissement puis adjointe. Une opération des coronaires l’arrête trois mois et ensuite elle aura une « petite pension d’invalidité ». Invalide mais pas ingambe, elle parcourt l’arrondissement, mobilise les commerçants : « Monsieur Tibéri m’a nommée adjointe car j’avais besoin d’un salaire ! ». En 1984, elle devient 1ere adjointe ce qu’elle est encore aujourd’hui. Que Jean-Charles Bardon ou Jean Tiberi soit maire, « j’avais toujours affaire à Jean Tibéri. C’est naturel ! »
- Naturel ne signifie pas automatique observe le Président.
- Si dans certains cas rétorque-t-elle.
Sur ses relations avec le personnel de la Mairie, elle dit avoir toujours eu de bonnes relations avec tout le monde, avec le Secrétaire général Raymond Nantien « on dînait ensemble et même une année, nous sommes partis en vacance ensemble en tout bien tout honneur et avec ma mère ! »…Mais d’après elle, il était très minutieux, tout devait passer par lui, « tous les papiers ». Elle n’allait jamais au bureau des élections, elle connaissait vaguement Olivier Fabre qui descendait à sa permanence pour demander des places de foot.
Le mot « permanence » lâché, le Président s’en empare. Il veut absolument connaître la configuration géographique du lieu et son sens : est-ce le bureau de madame Affret ou la permanence de l’élue ? Les explications de l’intéressée sont si longues et confuses que les minutes qui passent ne servent qu’à accroître la confusion. Il ressort malgré tout que c’est cœur du système. Le Président finalement renonce et revient aux relations qu’elle entretient avec l’ensemble de la mairie « Bonnes, excellente » assure-t-elle. Ajoutant qu’il n’y a qu’à le demander aux 60 000 habitants de l’arrondissement ! « Ils ne seront pas tous à la confrontation » soupire le Président.
- Que pensez-vous de la remarque de Monsieur Nantien, à savoir vous étiez avec Xavière Tiberi les deux bras droits de Jean Tiberi ?
- Je ne vois pas ! Je suis élue, je travaille vingt quatre heures sur vingt quatre, je me dévoue aux électeurs, aux gens âgés…Un flot de paroles submerge l’audience, le président a du mal à faire barrage.
- Madame Affret de détournez pas les questions !
- Et madame Tibéri que faisait-elle ?
- Elle venait m’aider pour les crèches. Mais pas tout le temps, moi j’étais beaucoup dans la rue à voir les commerçants…Et le flot repart sur les bonnes, les excellentes relations avec les électeurs…Et si elle a un bureau, ce n’est pas vraiment le sien mais comme elle est là tout le temps, il lui faut un endroit.
Parfois, on hésite. Anne-Marie Affret noie-t-elle le poisson ou bien est-elle vraiment une bavarde compulsive ? Elle parle, se contredit, change de sujet, s’arrête, repart..Ainsi sur Annick Mercier :
- Elle n’était pas ma secrétaire, elle travaillait pour la mairie. Elle gérait l’emploi du temps, le mien puis elle répondait au téléphone et classait toutes les demandes d’interventions. Elle faisait le courrier. Moi je ne sais pas taper à la machine et je ne signe rien. La seule délégation que j’ai c’est pour les certificats d’hébergement !
Puis elle parle de son interrogatoire par le juge d’instruction, de la difficulté d’être une femme seule, de sa santé…Le Président lève la main :
- Le Tribunal est fatigué ! on ne comprend plus rien. Quelle est l’activité de l’élu, quelle est celle de la mairie ?
- Il y a trois permanences…
- Ah non ! Maintenant, nous nous retrouvons avec trois permanences ? Une suffit.
- Mais Monsieur le président, c’est trois par semaine, il y a le mercredi, le jour de la petite enfance avec Madame Tiberi…
Autres explications, elle admet enfin un distingo entre permanence et bureau et la présence à celui-ci de Murielle Aja, sa nièce, Annick Mercier, Patrick Mondain et un huissier Lucien Bertoliatti. Elle dit qu’elle voyait très peu Xavière Tiberi !
- Vous fait-elle peur ? Vous avez dit quelque chose à ce sujet au Juge d’instruction.
- Je n’ai peur de rien, je ne m’agenouille que devant Dieu.
Pour la première fois, madame Affret ne rajoute rien et la salle souffle un peu.
Mais lorsqu’on évoque la perquisition à la mairie et chez elle madame Affret redémarre, aussitôt arrêtée par le Président :
- On vous désigne comme la cheville ouvrière…
- Je travaille beaucoup et je suis contente de faire ce travail pour les citoyens pauvres de cet arrondissement (s’ensuit une description sociologique de l’arrondissement d’où il ressort qu’il y a des pauvres, plus qu’on ne croit). Je suis ravie d’être comme je suis, j’ai du caractère et ça m’a servi. J’ai traversé des épreuves et je les ai surmontées, maintenant j’ai bien réussi !
On évoque ensuite les relations avec Jean Tiberi. Oui, il lui faisait confiance, oui c’était carte blanche si on veut mais elle rendait compte de temps en temps… Mais elle n’était pas une amie du couple : « nous ne sommes jamais partis en vacance ensemble par exemple ».
La mémoire de Madame Affret vacille parfois sur les dates, les lieux, les réunions bref, elle travaillait au service de tous et du maire en particulier mais elle n’était rien et n’avait aucun pouvoir !

LE MAIRE
Son patron Jean Tiberi lui succède. Il se tient droit, les mains croisées derrière le dos et le ton qu’il prend est celui de l’élu de haut niveau qui consent à tout expliquer pour éclairer le malentendu qui l’amène parmi les prévenus. Il est toute indulgence pour son personnel, il donne sa confiance sans restriction et rappelle qu’il a été élu et réélu avec suffisamment d’avance pour que cette histoire de faux électeurs n’ait aucun sens ! Sur le pouvoir qu’il exerçait sur la mairie du 5e, il explique que comme parlementaire et maire de Paris, il était déjà débordé et se reposait justement sur Bardon dont il pensait qu’il jouerait le jeu. « Je crois qu’il n’a pas compris son rôle. » conclut-il. Sur Anne-Marie Affret, il est plus précis :
- Je la connais depuis longtemps, j’ai confiance en elle car elle travaille à temps plein ce que bien des élus ne font ou ne peuvent pas faire. Mais je ne lui ai jamais donné d’ordres, ou d’indications de choses à faire ou ne pas faire.
- Vous lui laissiez une liberté totale ?
- Totale ! Elle m’informait, elle connaissait mes priorités. Le cinquième est l’arrondissement sur lequel je veille le plus !
Il n’est jamais venu à la permanence, il connaît à peine tout le petit monde qui gravite autours. Quant à Monsieur Nantien, il ne lui a jamais demandé de revenir, « C’est au contraire, lui qui m’a sollicité. Il voulait le logement de fonction. C’est naturel ! ».Le président laisse passer de longs silences. Peu à peu Jean Tibéri est moins détendu, il se passe la main sur le visage, boutonne et déboutonne sa veste.
Le Président revient sur ses relations avec Madame Affret et insiste sur la liberté dont elle jouissait.
- Elle savait tout ce qu’il fallait faire, inutile de me le demander ou de me dire ce qu’elle faisait, ça allait de soi ! Elle me rendait compte oralement, nous nous voyions sur le terrain, les week end.
Ensuite, il défend sa femme : « Mon bras droit, ma femme ? Je ne comprends pas. Elle était militante, elle allait dans la rue avec Madame Affret. Parler d’omniprésence est une contre-vérité, on laisse penser cela pour se disculper. Elle intervenait très peu, et comme épouse du Maire elle me représentait.
Finalement on en vient à l’affaire et ce qui s’est passé lorsqu’elle a éclaté :
- C’était un drame, j’étais abasourdi ! Même si je venais peu, j’étais au conseil d’arrondissement, Raymond Nantien aurait pu m’en parler !
- Mais observe le président, vous n’avez pas demandé des comptes, diligenté une enquête interne ?
- Je m’en suis bien gardé. C’aurait été m’immiscer dans les affaires de l’administration. Toute intervention aurait été interprétée, je me suis gardé de toute démarche écrite ou orale. J’étais peiné pour ceux des employés qui vivaient cette épreuve mais je ne pouvais faire aucune démarche à partir du moment où l’enquête a démarré ! Il fallait préserver l’indépendance de la justice !
C’est le système de Jean Tibéri : faisant confiance à de fidèles collaborateurs, il a été consterné par cette affaire mais a gardé le silence…Ceci mise à part, il a rappelé tout de même à quel point il a été un bon élu, il a énuméré ses réalisations et les bonnes relations qu’il entretient avec ses administrés…A plusieurs reprises, un discours de campagne maintes fois répété.

mardi 10 février 2009

Un exemple de conseil de quartier : Nogent sur Marne

Le conseil est composé au maximum de 15 membres répartis en 3 collèges :
Le collège des élus, composé de l’adjoint de quartier désigné par le maire et d’un représentant identifié de chaque groupe politique minoritaire du conseil municipal ;
Le collège des entreprises, commerçants et artisans, composé de 3 membres maximum ;
Le collège des habitants.
La durée du mandat est de deux ans renouvelable une fois, dans la limite du mandat municipal en cours.

Le bureau du conseil est composé d’un président délégué, d’un trésorier, d’un secrétaire général et de l’adjoint du quartier. Les membres du collège des élus ne sont pas éligibles aux fonction de président délégué, trésorier et secrétaire général. Ils ne prennent pas non plus part au vote. L’adjoint de quartier préside le conseil avec l’aide du président délégué élu.

Les conseils de quartiers ont accès aux salles municipales et équipements municipaux nécessaires à l’organisation de leurs réunions. Ils disposent d’un espace dans le journal municipal et sur le site internet de la ville. Ils peuvent mettre en œuvre des moyens d’information complémentaires s’ils le jugent nécessaires et cela avec l’aide des services municipaux.
A terme ils disposeront d’un espace Extranet auquel les habitants pourront accéder pour y déposer leurs contributions.

Les conseils de quartiers peuvent solliciter la présence de représentants des services municipaux à leurs réunions s’ils le jugent utile. Bien sûr cette participation reste soumise à l’autorisation du maire et du directeur général des services de la ville.

Le conseil de quartier est libre de déterminer la fréquence de ses réunions. Il doit néanmoins se réunir au moins 4 fois par an. Le maire et /ou l’adjoint de quartier peuvent réunir le conseil quand ils le jugent nécessaire ou enfin quand les 2/3 des membres du conseil le demandent.
Les réunions des conseils de quartier sont ouvertes au public.

L’ordre du jour est établi conjointement par l’adjoint de quartier et le président délégué après consultation des membres du bureau. La convocation accompagnée de l’ordre du jour est adressée aux membres du conseil 15 jours avant la date de la réunion. Elle est affichée en mairie et fait l’objet d’une information sur le site internet de la ville.

Chaque réunion fait l’objet d’un procès-verbal rédigé par le secrétaire général et signé par l’adjoint de quartier et le président délégué.

Les conseils de quartiers sont libres de mettre en place s’ils le jugent nécessaire des commissions thématiques ou groupes de travail temporaires.

Le conseil de quartier établit chaque année un rapport d’activité qui fait l’objet d’une présentation lors des rencontres de quartier et au conseil de la ville. Le rapport d’activité est ensuite soumis à l’approbation par délibération du conseil municipal.

LES INSTANCES DE LA CONCERTATION A PARIS

122 conseils de quartier Les conseils de quartier sont des lieux d'information, d'écoute, de débats et d'expression concernant les projets d'aménagement du quartier, la vie de quartier ou encore l'amélioration du cadre de vie.
Un conseil de la citoyenneté des parisiens non communautaires Installé le 12 janvier 2002, le conseil permet à 170 000 Parisiennes et Parisiens âgés de plus de 20 ans, exclus du droit de vote, de se sentir enfin reconnus, entendus et d'exprimer leur sentiment d'appartenance à leur ville : Paris.
Les Conseils de la jeunesse , le Conseil Parisien de la Vie Etudiants, lieux de dialogue privilégié entre la jeunesse, le monde étudiant et la Mairie de Paris. Les étudiants investis dans le conseil sont invités à examiner la politique municipale et proposer de nouvelles idées. Le conseil se saisit de toutes les questions qui l’intéressent et soumet un rapport au Maire ou son adjoint, lors de séances plénières.
20 Comité d’Initiative et de Consultation d’Arrondissement (CICA)Crées par une loi de décembre 1982 ces instances visent à associer les associations à la vie communale. S'y inscrivent les associations qui le désirent pour réfléchir et travailler ensemble sur des thèmes qu’elles choisissent. Parallèlement, le maire doit, d’une part, leur fournir toutes les informations dont il dispose sur les thèmes choisis, d’autre part, organiser une réunion trimestrielle du conseil d’arrondissement à laquelle les responsables des associations viennent exposer leur travail et demander éventuellement une délibération du conseil d’arrondissement.
Par ailleurs, des conseils d’enfants et d'anciens ont été mis en place dans certains arrondissements, tels les 9 et 20ème arrondissements. Une commission consultative des services publics locaux : la Mission Démocratie Locale a mis en place et assure le secrétariat de la commission consultative des services publics locaux, commission prévue par la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité.Cette commission est composée d'élus et de représentants d'associations d'usagers. Elle a pour objet d'étudier et de rendredes avis, sur le principe d'opportunité de délégation de service public locaux soumis au Conseil de Paris. Des référendums locaux tels ceux réalisés autour du projet "carreau du temple" dans le 3ème arrondissement ou celui de l'avenue Jean Jaurès dans le 19ème arrondissement.

Forum sur la Charte parisienne de la participation

6 février 2009 à la Mutualité, à l’invitation de ville de Paris et notamment de M. Hammou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et de la vie associative, un forum s’est tenu vendredi 6 février au soir à la Mutualité. Il prépare l’adoption de la future charte parisienne de la participation qui s’inscrit dans un processus qui a débuté en 2001 avec le souhait de la ville de Paris d’associer davantage les citoyens et les usagers de Paris à la vie de la cité et aux actions publiques. De nombreuses instances de participation ont été mises en place: 121 conseils de quartiers réunissant plus de 4 000 personnes, des conseils de jeunes, de sages, de Parisiens non communautaires et même d'enfants dans certains arrondissements…. En terme de moyens, 20 maisons d'associations et la Maison des initiatives étudiantes offrent aux Parisiennes et Parisiens des espaces ressources pour accompagner, soutenir et valoriser la vie associative locale et l'initiative citoyenne.

Il s’agit de faire en sorte de tenir compte de l’avis de l’ensemble des acteurs de la vie parisienne de donner la parole à tous ceux qui y vivent même s’ils ne sont pas ressortissants de l’union européenne et non pas le droit de vote aux municipales. Les conseils de quartier répondent à cette préoccupation mais les règles de désignation de leurs membres varient d’un arrondissement à l’autre entre le tirage au sort sur la base des candidatures reçues ou à l’inverse en associant l’ensemble des personnes qui souhaitent venir y travailler. Une majorité d’arrondissements abandonne le tirage au sort pour ouvrir les travaux au plus grand nombre.

Comme l’a noté Hamou Bouakkaz, les prises de parole émanant de personnes d’arrondissements d’opposition à la majorité municipale étaient rares. En effet, mis à part des réactions venant d’habitants du 16ème arrondissement souhaitant une consultation par référendum des citoyens sur les investissements réalisés dans leur quartier, peu de voix discordantes se sont élevées. A ce propos, comment fonctionne la participation dans le 5ème arrondissement ? Ce sera l’objet d’un prochain article.

Prochaines étapes :
Jusqu’à fin février 2009, chacun peut remplir le questionnaire disponible sur le site de la ville de Paris :
http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=8980&document_type_id=4&document_id=61291&portlet_id=21732&multileveldocument_sheet_id=12120
Mars 2009
Rédaction de la Charte parisienne de la participation à partir de toutes les contributions.
4 avril 2009
Présentation de la Charte aux contributeurs à l'occasion du Printemps de la démocratie locale à l'Hôtel de ville.

vendredi 6 février 2009

Procès Tiberi 3éme journée : les employés de la mairie

Erratum.
Hier, nous avons commis une erreur sur le prénom et le nom de Monsieur Nantien : il s’appelle Raymond et non Bernard. Toutes nos excuses à nos lecteurs et à Monsieur Nantien

Comme l’a annoncé le Président, il s’agit de présenter les acteurs de cette affaire, de dresser le décor, l’ambiance et les structures de la marie. Les précisions sur l’affaire elle-même viendront plus tard, dans d’autres interrogatoires, et des confrontations.
Voici donc les petites mains, les employés modèles. Au fur et à mesure qu’ils se présentent à la barre, la stupeur mêlée d’incrédulité laisse peu à peu place au sentiment chez chaque spectateur citoyen du 5e d’avoir été quotidiennement floué !

UN SPORTIF AU BUREAU DES ELECTIONS

Le premier est Olivier Fabre. Il range discrètement le chewing-gum qu’il ne cesse de mâchonner mécaniquement depuis le début du procès et se tient légèrement appuyé, dans une pose faussement décontractée. Monsieur Fabre 46 ans a débuté à la Mairie de Paris comme animateur vacataire, puis il a passé un concours pour être agent administratif catégorie C avec comme premier poste, le service de l’état-civil à la mairie du 5e. Il a fait toute sa carrière à la mairie. Il se dit « autodidacte et sportif ». Cheveux ras, grand, mince dans son T-shirt à manche longue col en V, il affiche une certaine aisance d’allure. En 1987, il a demandé à être muté au bureau des élections parce que « l’état-civil au bout d’un moment ce n’est pas très intéressant » ! Il dit avoir été « formé sur le tard » (sur le tas ?) par sa chef Madame Leclerc. A l’époque, la secrétaire générale était madame Tremblay, celle ci n’est pas restée longtemps.
-« Elle a été évincée » avez-vous déclaré observe le Président.
Un long silence suit. Il hésite. Le Président insiste et lui demande d’expliquer ses mots. Il cherche un long moment et finit par dire :
-C’était une querelle de femmes entre Madame Tibéri et madame Affret d’une part, madame Tremblay d’autre part.
On n’en saura pas plus. On lui demande des précisions qu’il donne laborieusement : Les deux personnes décisionnaires à la mairie étaient madame Affret et madame Tibéri. Il dit n’avoir pas vu de conflit mais d’une manière sibylline ajoute : « juste la présence physique suffit à déstabiliser ! ».
Olivier Fabre voit se succéder les chefs à son bureau : madame Leclerc, puis un autre puis encore madame Leclerc puis finalement, en 1992, Monsieur Morisset qui sera remercié par Raymond Nantien. « Pour quelles raisons à votre avis ? » s’enquiert le Président.
-Il venait des services centraux, et sa carrière était importante. Il n’avait jamais eu affaire à des élus et il avait des problèmes avec la hiérarchie, il ne trouvait pas sa place. Il est parti en 1993.
Après son départ le poste reste vacant un an. Puis il est nommé chef en mars 93. Comment ?
- Tout naturellement, j’étais le plus ancien, j’avais été formé depuis le temps que j’occupais le poste. Et puis pendant que le poste était vacant, je faisais fonction de chef. Nous étions tous, les quatre personnes du bureau, de catégorie C .
- Il n’y a donc pas de recrutement extérieur ?
- A Paris, en général, ces postes ne sont pas très courus. Ils sont en général pourvus en interne. Mais en tant qu’animateur et sportif, j’ai l’esprit d’équipe et une autorité naturelle, je suis un meneur d’homme, je répartissais les tâches, je tenais l’équipe en cohésion.
- Et Monsieur Nantien avait l’aval du Maire ?
- C’est certain ! Il ne prenait aucune décision sans en aviser le Maire.
- Vous saviez comment Monsieur Nantien qui était parti dans le 14e était revenu secrétaire général de la mairie ?
- On n’en a jamais parlé. Ca me semblait naturel.
Le mot naturel revient souvent dans la bouche de Monsieur Fabre. Pour lui, ce qui est naturel semble procéder d’une règle non écrite et incontournable. Ce qui naturel est imprescriptible.

UNE ADRESSE EMBLEMATIQUE ET DEPRIMANTE

Or l’animateur si tranquille, si équilibré, le sportif « de catégorie régionale », ( il ne dit pas dans quelle discipline) change complètement au moment où éclate l’affaire judiciaire. Il raconte :
- La moutarde montait à la mairie ! J’ai senti qu’il fallait que je parte. Il y avait une pression psychologique ambiante, il me fallait l’aval de ma hiérarchie pour obtenir ma mutation et je n’étais pas certain de l’obtenir !
- Comment avez vous fait ?
- Sur un coup de tête, j’ai pris un mois de congé puis trois mois d’arrêt de maladie. . Nous avions subi une perquisition très éprouvante, très longue. Mon fond intérieur me dictait de partir.Je suis parti du jour au lendemain sans prévenir personne. Psychologiquement, je ne pouvais plus monter les marches du grand escalier à cette adresse emblématique
Olivier Fabre, quitte la mairie en 1999, retrouve un poste à la direction de la vie locale et régionale mais n’évite pas une garde à vue en 2000.
Il est ensuite interrogé sur son cursus : brevet d’animateur puis agent administratif, sur concours. Pas d’autres études. Il l’a dit et il le répète : « formation sur le tard ! ». Mais connaît-il le Code électoral ? Non il ne l’a jamais lu. Les inscriptions automatiques ? Il lui faut un moment pour se souvenir « qu’il doit s’agir des jeunes mineurs ayant atteint 18 ans mais c’est assez compliqué à appliquer ! » et la Circulaire ministérielle de 1980, remise à jour en 2002 ? Il sèche lamentable et avoue finalement « je l’ai sûrement vue ! »
- Finalement dit le Président à quoi sert le bureau des élections ?
- A recevoir les gens qui veulent s’inscrire, à tenir à jour les listes suivant les décisions des commissions administratives.
- Justement comment étaient elles composées ces commissions administratives ?
Il explique puis ajoute « en général, comme dans tous les arrondissements, on a du mal à trouver des gens alors on demande au maire s’il connaît des gens ».
-Mais alors, si les membres des commissions étaient choisis par le maire, ils allaient dans son sens ?
Fabre confirme : « Ah oui, c’était une chambre d’enregistrement ! ». On lui demande encore s’il sait s’il y a des incompatibilités pour nommer les membres de la commissions et il bat en retraite « Honnêtement ce n’est pas ma partie ! ».
Mais enfin s’impatiente le Président, vous avez bien du vous former ? Suivre des stages ?
Oui ! Un stage d’informatique pour un logiciel de saisie !
Dans la salle, on avait d’abord souri, puis peu à peu, l’idée que ce chef du bureau des élections exerçait sans aucune formation apparaît clairement et il y a comme une sourde rumeur que le Président fait taire illico.
Alors on passe aux relations avec la Mairie :
-Jean Tibéri ? Je le voyais très rarement, Ce n’était pas un maire très proche du personnel. Il ne passait jamais au bureau serrer des mains. Je le rencontrais à la cérémonie de début d’année pour les employés de la mairie.
Madame Affret ? Comme première adjointe et présente tous les jours, elle était proche des employés et amicale mais elle ne s’immisçait pas dans les affaires du bureau.
- Vous avez entendu Monsieur Nantien parler de madame Tibéri et madame Affret comme les « deux bras droits de monsieur Tibéri » qu’en pensez vous ?
Madame Affret jouait son rôle d’élue, madame Tibéri celui de l’épouse et porte-parole du Maire.
-Elle donnait des ordres ?
-C’est femme forte, forte tête. Quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait ! Je n’étais pas au courant de tout mais je pense bien qu’elle s’immisçait dans tous les dossiers.
De longs silences, des hésitations, des mots vagues comme « en général « , « naturellement », « ambiance »…Il s’accroche parfois à la barre, parfois agite les doigts de manière complètement machinale. On a l’impression qu’il hésite sur les pans de vérité à dévoiler et ne sachant pas, se contente du minimum.
Son long interrogatoire laisse entrevoir, une petite population d’employés aux ordres avec des intermédiaires plus ou moins informés. Lui s’attache à apparaître comme un chef de bureau sérieux, renvoyant les responsabilités sur Raymond Nantien, son adjointe Véronique Bourgeix et Anne-Marie Affret mais il ne serait-il surtout le dindon d’une farce qui dure depuis plus de quinze ans.

DU PROTOCOLE A LA PERMANENCE

Patrick Mondain, 56 ans, lui succède. Il a débuté comme agent contractuel à la Ville de Paris au service du matériel. Chiraquien, militant RPR, de 1980 à 1993, il était au service du protocole à la Ville de Paris comme adjoint technique. Grand, cheveux gris, costume bleu bien coupé, il possède toute l’élégance de l’emploi. En 1993, le voici affecté au service de Anne-Marie Affret et il a nettement le sentiment d’un déclassement. Il était « l’homme à tout faire, le chauffeur, le coursier ». Il accompagne la première adjointe dans l’arrondissement, s’occupe de l’acheminement des enveloppes qu’il s’agisse du bureau ou de la permanence « qui forment un tout ». Il voyait de temps à autre Madame Tibéri mais celle-ci lorsqu’elle venait voir madame Affret s’isolait avec elle dans un autre bureau. Il a néanmoins surpris « des conversations en corse ou en italien ». Selon lui, madame Affret jouissait « d’une grande liberté d’action pour des tâches très diverses et n’en rendait compte qu’au Maire et n’en faisait qu’à sa tête. Son bureau était une ruche avec des bénévoles qui passaient ». Patrick Mondain étant militant RPR fréquente aussi la permanence de monsieur Tibéri, rue Vésale où se rend parfois madame Affret. Il garde un mauvais souvenir de celle-ci : « Une exaltée qui passait ses humeur sur moi qu’elle traitait comme son larbin. Enfin, c’est une Italienne au sang chaud ! ».
En juin, 1995, Jean Tibéri devenu maire de Paris, Patrick Mondain est enchanté de quitter « la ruche et l’ambiance étouffante du 5eme », pour entrer au service de madame Tibéri. Il tient son agenda, gère son courrier et les demandes qu’elle reçoit.
On peut se demander si ce grand escogriffe, très digne a trempé dans la fraude, pour l’heure on ne lui demande que des détails : « Oui, j’ai eu à remplir des formulaires quand j’étais sous la coupe de madame Affret ».
- Sous la coupe ? s’étonne le Président.
Mondain visiblement se demande s’il a dit le mot juste, s’il n’a pas exagéré. Il réfléchit.
- Je dépendais d’elle, on ne discutait pas ses ordres de toutes façons !

Aujourd’hui, Patrick Mondain après avoir connu son heure de gloire en étant chef du protocole pour les réceptions privées lorsque Jean Tibéri était à la Mairie de Paris, a été titularisé comme agent administratif. Et semble-t-il ça lui convient.

«UNE AMBIANCE CANDIDE »

Farida Sahnoune tranche sur le gris et le noir des autres prévenus. Elle s’avance majestueuse dans une veste imprimée panthère.A la barre, elle déclare d’emblée et à forte voix qu’elle a travaillé depuis l’âge de 17 ans dans la confection. Après 30 ans de bons et loyaux services dans plusieurs entreprises textiles, et avoir élevé trois enfants, elle a été mise au chômage en 2000 ! « C’est dur ! ». Son ex mari connaissait le couple Tibéri, c’est ainsi qu’elle est logée rue Poliveau.
Farida Sahnoune doit beaucoup au couple Tibéri et à madame Affret. Ainsi, alors que militante RPR, elle était bénévole à la permanence de la rue Vésale, madame Tibéri, l’a remarquée et l’a emmenée au commissariat du 5eme. Là, elle a été assermentée par le commissaire. « Cela m’a permis d’être commissaire de police pour les procurations ! Avec Ginette Hardhuin (aujourd’hui décédée), nous allions dans les hôpitaux et les maisons de retraite et nous recueillions les procurations ! Au moins, j’étais employée et payée ! ». La carrière de bénévole –parfois payée- de Farida continue : « Ensuite j’ai été parachutée (sic !) à la mairie du 5eme pour être la petite main de Ginette Hardhuin qui était la secrétaire de madame Affret pour la permanence. Enveloppes, rédaction d’adresses, Farida a le cœur à l’ouvrage, elle le dit : « Je suis une battante, passionnée, le travail ne m’a jamais fait peur. ». Elle fait vite connaissance de toute l’équipe : Patrick Mondain, Madame Mercier la secrétaire personnelle de madame Affret, Monsieur Bertoliatti, huissier qui fait le lien entre la rue Vésale et la Mairie et aussi le Secrétaire Général, Raymond Nantien, et son adjointe Véronique Bourgeix. Bref, madame Sahnoune est heureuse. A ses yeux, madame Affret est « une femme d’action sur laquelle les Tibéri se reposent entièrement. Une personne irremplaçable et sympathique. Avec elle on avait même des fous rires. L’ambiance était candide ! » conclut-elle sans qu’on sache vraiment ce à quoi elle fait référence.
Elle voit régulièrement Madame Tibéri. Son récit s’égare un peu lorsqu’on lui demande s’il est exact que Madame Tibéri et madame Affret se parlaient en corse : elle répond qu’elle connaît bien les Corses et la Corse elle y a été en vacances…Débonnaire, mais futée, Madame Shanoune se limite à dire « ce qu’elle a envie de dire » et ne reconnaît qu’une chose c’est que madame Tibéri donnait ses ordres par l’intermédiaire de madame Affret. Quant à savoir si quelqu’un lui a parlé, lui a demandé comment s’était passé sa garde à vue, elle ne s’en souvient pas du tout !
Là dessus, elle quitte la barre et fait voile sur son fauteuil toujours aussi majestueusement.


DES MENACES VOILEES MAIS PRECISES

Annick Mercier, 53 ans l’ancienne secrétaire de Madame Affret lui succède et l’ambiance change du tout au tout. C’est une femme apeurée qui a du mal à s’exprimer.
-Libérons la parole, l’audience est faite pour cela, madame, dit le Président.
Mais la parole d’Annick Mercier n’est pas libre du tout. Née à Ambroise, elle a travaillé au secrétariat de Michel Debré pendant dix sept ans, et fond en larmes en comparant les conditions de travail à Ambroise et à Paris dans le 5ème. Venue à Paris après un divorce, grâce à l’intervention de son ancien patron, elle a été affectée à la mairie du 5ème au secrétariat de madame Affret « qui a été vraiment humaine avec elle, alors qu’elle traversait une période où elle était complètement perdue sans repère, sans amis. ». Son travail consiste en un secrétariat normal : agenda, rendez-vous, courrier…et les demandes de services dans tous les domaines que reçoit madame Affret. Elle travaille parfois avec Marina Aja, la nièce de madame Affret affectée à sa permanence. Quand elle parle de sa patronne, elle dit, elle aussi, « quand j’étais sous sa coupe ». Et on ne saura jamais si, à la marie du 5ème, être sous les ordres est véritablement « être sous la coupe » de quelqu’un ou si il ne s’agit que d’une erreur de vocabulaire !
Elle précise, tout en assurant qu’elle était contente de travailler avec Madame Affret, que toute l’équipe « était sous une forte contrainte. Elle donnait des ordres oralement mais avec autorité et transmettait ceux de madame Tiberi ».
Au fond, si cette affaire n’avait pas éclaté au grand jour, il eut été possible qu’Annick Mercier fasse toute sa carrière administrative dans le 5 eme. Mais, première surprise, après sa garde à vue, alors qu’elle aimerait parler de l’affaire, « c’est le black-out total ». Seconde surprise, même chose, après la perquisition à la permanence. Toutefois, et apparemment sans que ceci ait un rapport avec cela, Annick Mercier qui cherchait un logement s’en voit attribuer un par monsieur Tibéri, quelques jours avant sa garde à vue. Elle s’y installe. Et dernière surprise, un matin, elle trouve devant sa porte une montagne de plumes. « Haut comme ça » dit elle en tenant sa main à la hauteur de sa taille. Ca lui a fait peur, très peur, cette histoire de plumes. Elle a déposé une main courante au commissariat.
Elle ignore le sens exact de ce geste mais elle a bien deviné qu’il y avait dans ces plumes une volonté de menace et depuis elle a peur. D’autant qu’à la mairie, personne ne lui a expliqué. « Pas un mot, pas un soutien » précise-t-elle en sanglotant. Un long silence passe.
-j’ai l’impression que vous voulez nous dire quelque chose, madame, encourage le président.
Elle soupire puis :
- « J’étais une fonctionnaire honnête pendant dix sept ans avec Monsieur Debré mais là, on m’a rendue malhonnête. J’ai bien conscience que j’ai commis des fautes. Mais j’ai suivi les ordres ! ».
Son avocat intervient pour signaler :
-Puis-je rappeler la réflexion que nous avons entendue : « la présence physique suffit au malaise » !
Et il est vrai que, tandis qu’Annick Mercier regagne sa place, toute la salle ressent le malaise.
Jusqu’ici, nous étions dans une sorte de Clochemerle. Maintenant, les mots « pressions psychologique », « être sous la coupe », « impossible de ne pas obéir », ces expressions prennent tout leur sens.

UNE FEMME DU MONDE EGAREE

Avec Madame Havre, épouse d’un architecte, qui a été lui aussi entendu, le ton change. Elle est « sans profession » mais ardente militante au RPR depuis 1979. Evidemment, elle était à la permanence de la rue Vésale rendant de menus services et a donc bien connu tout ce petit monde, surtout dans des occasions mondaines, « dans les cocktails de la mairie ». « Mon mari, dit-elle, connaissait beaucoup plus de monde, il est très public relation » ajoute-t-elle en accentuant à l’anglaise le dernier mot. Pour l’instant, comme il ne s’agit que de présenter les acteurs et le décor, elle n’a pas grand chose à dire, sinon qu’elle ne fréquentait guère la permanence d’Anne Marie Affret ou celle du maire, place du Panthéon sauf une fois en 1979 où elle a rencontré madame Tibéri pour demander une place en crèche pour sa fille.
On se demande ce qu’elle fait là : elle vit dans le cinquième dans un appartement qui appartient à sa famille depuis deux génération, elle aide son mari et reçoit pour lui : une femme du monde, étourdie que son militantisme a égarée ? C’est du moins l’impression qu’elle donne.

UNE FONCTIONNAIRE PLEINE DE MERITE ET DE PROMOTIONS

La dernière à la barre, c’est Jaqueline Mokricky. Fonctionnaire de catégorie C, quand, elle est affectée en 1990 au secrétariat de Jean Tiberi à la mairie du 5eme. C’est une fonctionnaire exceptionnellement compétente : elle est passée en en huit ans, de la catégorie C à A sans aucun concours mais par une promotion interne à la marie du 5eme, et depuis 1998, elle est chef de cabinet. Fait rarissime dans les annales de la Ville de Paris. Elle n’a rien vu, rien entendu, n’a jamais fréquenté les permanences sauf de temps à autre, celle de madame Affret mais « parce que le magasin des fournitures est juste à côté » ! Elle tenait la permanence de Monsieur Tibéri deux fois par semaine et gérait toutes les demandes qui lui parvenaient dans tous les domaines. Elle n’a aucun souvenir de réunion avec Madame Tibéri et ou madame Affret, aucun souvenir de dysfonctionnement, elle ne s’occupait pas du tout de ce qui concerne le plan politique. Elle ne semble pas avoir conscience que son dernier poste est politique. En fait, elle est frappée d’une discrète forme d’amnésie.
Le président insiste, lui demande si elle était informée de ce qui se passait à la mairie, dans les permanences…Il la tarabuste un peu. On voit Jean Tibéri s’énerver, s’adresser à son avocat. Sa collaboratrice de toutes façons, reste de marbre.
Finalement, lorsque le président lui demande si elle a noté un quelconque changement d’ambiance à la mairie après 1997, elle répond platement :
- Bonne ambiance, nous avons continué à travailler comme avant.
Elle retourne s’asseoir. Pas une mèche de son impeccable brushing n’a bougé.