jeudi 19 février 2009

Procès Tiberi : 8éme journée : un système quel système !

Compte-rendu : Loly Clerc
Croquis d'audience : Jean-Louis Giron

C’est le jour des témoins. Ils viennent tous pour la partie civile, la défense n’en ayant cité aucun. Le président les appelle devant lui pour vérifier si aucun n’a fait défaut. Ils sont tous là.

Madame Choteau-Tremblay ouvre l’audience.Une femme mince aux cheveux courts et pâles, un visage aigu avec de grands yeux gris, apeurée peut-être, intimidée sûrement, elle s’exprime bien et lentement en choisissant ses mots. Avant d’arriver dans la mairie du 5eme, elle était inspectrice des écoles de la ville de Paris de 1980 jusqu’à janvier 1988. Elle exerçait dans les écoles des 5e, 6e et 7e. Mais elle avait envie de progresser et de changer de poste.


« TIREZ VOUS ET VITE ! »

C’est une excellente fonctionnaire qui dit : « aimer son travail parce que j’étais en contact avec les premiers usagers du service public, les enfants et leurs parents et cela m’intéressait beaucoup. » Elle ambitionne un secrétariat général de mairie et elle en a toutes les compétences. Elle se voit proposer le poste à celle du 5e par Jean Tibéri.
Il faut noter que cette femme d’apparence fragile est aussi rigoureuse et courageuse. Or, elle, qui était resté à son premier poste 9 ans, ne demeure à la mairie que du 1er septembre 1989 à juillet 1990. Une durée aussi courte à un poste qu’elle avait souhaité ? Ce n’est pas son genre et le Président lui en demande la raison.
- Dès mon arrivée, le directeur de cabinet du maire, Claude Comiti (ancien secrétaire général) m’a annoncé qu’il suivait la révision des listes électorales avec Véronique Bourgeix, mon adjointe et madame Leclerc, chef du bureau des élections. Or ce travail relève de mes attributions, le bureau des élections est placé sous mon autorité. Je cherche à comprendre, je n’ai aucune explication.
Madame Choteau-tremblay note des détails : elle a l’habitude de saluer tous les collaborateurs de la mairie chaque matin. Elle n’est pas très bien reçue au bureau des élections et rapidement renonce à s’y rendre. Elle apprend après coup des réunions entre Comiti, Bourgeix et Leclerc qui, en fait préparent les réunions des commissions de révision des listes qui se révèlent être des chambres d’enregistrement
Derniers détails : les relations avec Madame Tiberi. Un matin, Madame Choteau-Tremblay reçoit un coup de téléphone de Madame Tibéri, lui reprochant de « ne pas même lui avoir envoyer un bouquet de fleurs pour la remercier de sa nomination ! » Moi je croyais que je ne devais mon poste qu’à mes compétences et je le lui ai dit ! ».
Le 13 novembre 1989, on livre à la mairie les bulletins du recensement. Madame Tiberi ordonne à Madame Choteau-tremblay de photocopier les bulletins. Celle-ci refuse : c’est contraire à la loi. Deux jours après, elle voit le maire et, devant madame Tiberi, lui explique ce qui s’est passé. Il la regarde et ne pipe mot. Très choquée, Madame Choteau Tremblay comprend qu’elle ne restera pas à la mairie.
Elle en parle à Monsieur Baillet, chef du bureau des élections à la Ville de Paris et celui-ci a une réaction qui la stupéfie. Il lui dit : « Tirez-vous, et vite ! ».
Une autre manifestation de Xavière Tiberi contribue à hâter son départ : elle l’appelle alors qu’elle se trouve en congé chez ses parents le 24 décembre 1989, et lui reproche violemment de ne pas être à la mairie qui est restée ouverte pour une collecte de dons pour la Roumanie.
Dès le début de l’année 90, elle a décidé de partir, Monsieur Tiberi refuse d’abord puis finit par accepter. Mais jusqu’en 2001, elle n’a eu aucun avancement.


Devenant plus tard, secrétaire générale à la mairie du 6e, elle a pu faire la différence. A posteriori, elle a réalisé que Madame Tiberi gouvernait la mairie. » Dans ses souvenirs, demeure « l’impression très nette d’être surveillée, en particulier par mon adjointe Véronique Bourgeix, et les agents de la mairie n’osaient visiblement être proches de moi »
Le président lui pose une dernière question :
- D’après vous, la décision de vous écarter des élections est une décision de Monsieur Comiti personnellement ?
- Il ne décidait pas tout seul. Je pense que cela venait du Maire.

« QUAND MA FEMME DONNE UN ORDRE C EST MOI QUI LE DONNE »

Jocelyne Tavares lui succède. Elle a été secrétaire de Jean Tiberi pendant vingt cinq ans, de 1976 à 2002. C’est une petite femme, qui ne s’en laisse pas compter. Elle a connu tout le monde : les secrétaires généraux Madame Giannoni, Monsieur Comiti, Madame Tremblay, et même Monsieur Nentien et d’autres comme Jaqueline Mokricky, tous les gens qui ont travaillé place du Panthéon jusqu’à 2001. Elle s’occupait du courrier et des demandes d’interventions auprès de Mr Tiberi. Elle précise : « J’étais fonctionnaire municipale et pas militante, je ne l’ai jamais été. Mais quand madame Tiberi demandait qu’on aille distribuer des tracts à Mouffetard ou mettre des lettres sous pli à la permanence de la rue Vésale, il n’était pas question de refuser. Je l’ai fait une fois et dans les cinq minutes qui ont suivi, Jean Tiberi m’a appelée au téléphone : « Quand ma femme donne un ordre c’est moi qui le donne ! ». Toutes les secrétaires devaient donc obéir. Elle demandait –mais je ne l’ai fait qu’une ou deux fois- de téléphoner aux gens qui avaient quitté le cinquième pour leur demander de rester voter dans le cinquième.
Petite minute d’énervement chez les avocats de la défense : comment est-elle venue témoigner ? Elle explique qu’elle a appelé Lyne Cohen-Solal pour lui dire qu’elle voulait témoigner. Suspicion clame un avocat…La discussion s’enflamme. Au bout d’un moment, le Président impavide, annonce que la minute de récréation est terminée et ordonne une suspension.


CA SE CORSE

La journée s’étire mais chaque témoin apporte son lot de surprise. Avec Thierry Ottaviani, le mauvais jeu de mot s’impose ; ça se corse !
Malgré ses 35 ans, il a l’air d’un tout jeune homme mais à la barre il est grave. D’une certaine manière n’est-ce pas lui qui rompt l’omerta ? Ses parents étaient des amis d’enfance des Tiberi. Famille corse, né à Bastia, venus à Paris assez tard, lui et sa famille sont logés par les Tiberi et, après avoir milité pour le maire, il est engagé en 2001 par Tiberi pour écrire ses discours et rédiger le journal du 5eme. Très vite, il comprend qu’à la mairie du 5eme « madame Tiberi donne des ordres et on doit lui obéir. Or plusieurs fois, j’ai dit à Madame Tiberi que je ne voulais plus faire d’action militante. Une fois même au téléphone, et je l’ai entendue dire « Jean, tu entends comment il me parle ! ». En fait, les ordres de madame Tiberi, venaient de Jean Tiberi.Il me l’a dit lui-même : je devais obéir même si j’estimais que c’était injuste. Il faut savoir que Jean Tiberi est quelqu’un de méticuleux, qui supervise tout jusque dans les détails, il veut tout contrôler et suivre. IL ne délègue qu’à des gens qu’il connaît bien. Madame Tiberi était sa mandataire et Anne-Marie Affret obéissait comme les autres au doigt et à l’œil ! L’idée que madame Tiberi était un électron libre est une idée fausse. D’ailleurs, j’ai vécu et subi cette situation. »
Le Président aborde les fraudes. Le temoin n’était pas vraiment au courant mais il y avait de faux électeurs logés chez ses parents et sa sœur en 1993. Sa tante et sa cousine qui habitaient le 14 e, votaient dans le 5e. Sa tante est toujours sur la liste électorale du 5e.
-Vos parents ont-ils proposé à Monsieur Tiberi d’héberger des électeurs ?
- Ils étaient très proches mais j’ai du mal à imaginer une telle initiative de mes parents. Non, je pense que les Tiberi leurs ont demandé amicalement !
En 2008, le temoin comprend qu’il n’a aucune perspective d’avenir dans le poste qu’il occupe, que ses rapports avec le couple en particulier Madame sont difficiles et il cherche ailleurs. Jean Tiberi refuse son départ, puis accepte après un entretien au cours duquel, Ottaviani de son propre aveu, « lui pose des conditions inacceptables ».
Comme son témoignage s’achève, jean Tiberi saute sur ses pieds, s’avance et lance :
-Il n’est pas parti, je l’ai renvoyé !
-En effet concède, le jeune homme, vous ne vouliez pas me donner le poste que je demandais alors je suis parti.
- Mais il voulait être directeur général des services !
- Oui, répète, Ottaviani, nous sommes d’accord. Je savais que vous alliez refuser. Donc je suis parti !
Là dessus, le maire du 5e, se rassied. Il a sa tête des mauvais jours, bouche entr’ouverte, regard de côté, tourné vers la barre d’où se succèdent les menaces et les attaques.

UN CITOYEN EN COLERE

Avec Yannick Mazoyer, aujourd’hui responsable d’exploitation dans une société privée, c’est une possible image de leur avenir qui est offerte à certains prévenus. Il était accusé et condamné au procès Dominati, dans le 3e arrondissement. Comme il dit drôlement : « On rembobine, et on rejoue le même film ». Et il annonce qu’il est « un citoyen en colère, c’est pour cela que je viens témoigner, personne ne me l’a demandé » et d’ailleurs personne ne sait exactement ce qu’il a dire !
Le Président l’interrompt tout de suite sèchement : « Inutile si cela ne concerne pas l’affaire en cours aujourd’hui ! » et la défense intervient pour lancer :
- La Mairie de Paris fait citer un condamné dans l’affaire des faux électeurs du 3e arrondissement !
Pas d’échos.
- Alors vous voulez savoir les raisons de ma présence ?
Toute la salle, unanime opine silencieusement. Mais le Président répond :
- Je veux des faits !
Des faits, il en a ! « Mon père était garde républicain, habitait donc 21 rue Gracieuse, haut lieu de fraude électorale ! Ma famille a voté pendant quinze ans pour avoir des logements. Moi j’ai voté dans le 5e e tout en étant parti du 5e. Quand mon père à la retraite a eu besoin d’un logement, il en a trouvé par l’intermédiaire de madame Tibéri. On lui demandait à elle, elle transmettait et Jean Tiberi en trouvait un. Il est dans le douzième et continue à voter dans le 5e ! ». Yannick Mazoyer n’en a pas fini. Après, ses électeurs familiaux et faussement domiciliés, il parle du procès : « un copié collé de celui du troisième ! » et avertit les prévenus :
- C’était un système généralisé dans la Paris de 1980 à 1994 ! Enfin surtout il a été instauré dans certains arrondissements.



LES PROMESSES N ENGAGENT QUE CEUX QUI LES ECOUTENT

- Pourquoi ? Pour qui demande le Président.
- Pour monsieur Tiberi et Chirac. Ils voulaient le grand Chelem : 14 arrondissements sur vingt. Dans l’autre procès, le principal bénéficiaire n’a pas payé ! Et nous les petits nous retrouvons condamnés.
Enfin Yannick Mazoyer va pouvoir dire ce pourquoi il est venu et le Président, un peu éberlué semble-t-il (c’est assez rare pour le signaler) le laisse parler :
- Je suis une victime de plus de l’adage : « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Je précise que tout avait été prévu, le parti devait payer les frais d’avocats et les amendes, enfin tout. Je suis toujours en train de régler, parce que personne, vous entendez, personne, après les condamnations n’a levé le petit doigt ! On s’est tous retrouvés tout seuls. Pourquoi ce sont les petits qui doivent payer, alors que les gros, ceux à qui ça profite s’en sortent sans rien ? Et vous voulez savoir le pire ? Le jour du jugement, juste avant d’aller l’entendre, on était tous invité à boire un pot. J’avais l’impression que les élus savaient déjà le résultat. Et après, ce qui m’a aussi choqué, ce sont les medias : ils parlaient une fois de plus des élus qui s’en tiraient sans une éclaboussure et ignoraient les petits éboueurs qui avaient entraîné leurs parents dans la faute qui étaient condamnés à des peines de prison ! ».
Pour Yannick Mazoyer, la philosophie de la vie se résume à cette formule : Pour les éboueurs et autres semblables fantassins de la politiques, prison et amende, pour les élus, gagnants sur tous les tableaux : triche, gains, impunité !
Les prévenus assis en rang d’oignons, baissent la tête : ils ont de quoi méditer.

Jean Ferrari, un retraité à moustache, a l’air serein mais presque navré de tout ce qu’il va raconter. Après, les raisons de la colère, les ressorts de la fraude ! C’est un ancien attaché d’administration centrale au ministère de la Justice et à ce titre a été représentant du Préfet aux commissions de révisions des listes électorales depuis 1990 jusqu’à sa retraite, puis représentant du Maire de Paris. Il raconte :

UNE BANDE D’AMIS AUX COMMISSIONS ELECTORALES

« Au début, tout se passait assez simplement. Il n’y avait apparemment pas de problème. L’ambiance était amicale, tout le monde se connaissait. Enfin, pas moi mais j’avais l’impression d’une bande d’amis. En 1991, premier doute : 2 électeurs hébergeaient présentaient un certificat d’hébergement pour sept personnes chacun. 16 personnes logées dans deux appartements au 1 rue Saint-Médard que je connais pour être de très petits locaux ! J’ai fait un rapport à la préfecture, j’en ai parlé à Nentien qui m’a dit que tout était régulier.la séance suivante, j’ai signé.
Deuxième alerte : une dame décédé depuis 27 ans toujours inscrite! Des électeurs domiciliés sur un terrain vague. Alors en 97, on a radié sur les bureaux 7 et 12 , 25% des électeurs inscrits. A vrai dire, je sentais bien qu’il y avait quelque chose de douteux, ne serait ce que dans le fait que tous ces gens se connaissaient si bien aux commissions, en même temps, Nentien m’assurait qu tout allait bien. Dans le 5e, il y a beaucoup d’hébergements d’étudiants chez des parents, des amis…Chaque fois que je demandais à Olivier Fabre ou à Véronique Bourgeix des justificatifs, j’étais mal reçu. Un jour j’ai demandé communication de la liste INSEE des radiations, ils ne me l’ont pas donnée. Explication de Nentien : elle a été détruite. Bon, quand la plainte a été déposée, j’ai évidemment compris. »

« NENTIEN ETAIT TENU PAR TIBERI »

Raymon Nentien, je le comprenais aussi : quand on est secrétaire général, je l’ai été dans le 4e arrondissement, on doit parfois composer, je sentais qu’il était tenu par Jean Tiberi et qu’il risquait son poste. Je crois que les gens ne mesuraient pas l’étendue de ce qu’ils accomplissaient : ce n’était pas des petites fraudes artisanales c’était un système qui ratissait large et ne laissait rien perdre au hasard ! Tenez, j’ai le souvenir d’une dame qui habitait avenue Foch, et dans le 5e, elle touchait le RMI avec une chambre d’hôtel payée par la mairie pour aller voter ! ». Alain Ferrari n’est pas venu sans munitions : il a plusieurs dossiers de cas dont il a eu connaissance et qu’il a analysés et communiqués à la Préfecture sans réponse. Il les transmet au Président et aux avocats pour info.

DES BUREAUX DE VOTE CONTRAIRES AU CODE ELECTORAL

Philipe Baillet, petit râblé, ne met pas les formes comme monsieur Ferrari. Lui est direct, carré et ne s’embarrasse pas de mots et parle à la vitesse d’une mitraillette. Il était chef du bureau des élections à l’Hôtel de Ville. Il a une vue assez générale de la manière dont se passe les élections et leur préparation dans toute la ville. Il raconte d’abord quelques anecdotes, si l’on peut dire : « Un jour de 1984, j’ai reçu une note m’expliquant que les employés de mairie avaient une liste des gens âgés dans l’arrondissement auxquels ils allaient demander une procuration ! J’ai eu aussi un problème tout bête de bureau de vote et d’escalier dans le 5 e : il y avait des bureaux de vote situés dans les étages et inaccessibles aux handicapés et aux personnes âgées. Or c’est contraire au code électoral !Et puis la carte électorale était incohérente : les habitants du bas Mouffetard votaient en haut et vice et versa. Ca aussi c’est contraire au Code électoral. On a réussi à changertout ça, seulement en 2001 ! » Entre temps, le maire de paris a été Monsieur Jean Tiberi, or « le maire de Paris est l’agent de l’état pour les élections, pas les maires d’arrondissements . J’ai du mal à croire qu’il ignorait tout ça ! » Franchement, je soupçonnais des choses anormales, j’ai fait une note à ma hiérarchie que les gendarmes ont trouvée d’ailleurs, sans aucune réponse sauf de me tenir tranquille. En revanche, on a essayé de me faire partir ! En 1994, on m’a interdit de faire des notes. Ensuite chaque fois que j’ai voulu passer un examen, demander une mutation c’était non. J’étais devenu une nullité crasse.


UN ACCIDENT EST SI VITE ARRIVE

Je comprend Raymond Nentien : il est arrivé et a hérité sans être prévenu d’un truc un peu nauséeux ! S’il en parlait, il mettait sa carrière en jeu et qui sait, plus peut-être un accident est vite arrivé ! »
La défense bondit : « Vous parlez de qui ? Vous accusez Monsieur Tibéri ?
Il répond très tranquillement mais avec un grand sourire : « Monsieur Tibéri ! Pourquoi me posez vous la question ? Il ne se mettrait jamais dans une situation pareille. Mais je dis simplement qu’on voit des accidents tous les jours, est ce que c’est faux ? ». Maître Leborgne a beau être une grande gueule, il en a trouvé une autre et il sent que l’escarmouche va mal tourner et se rassied.
Le président demande « est-il exact que vous avez dit à madame Choteau-Tremblay « Tirez-vous » quand elle vous a parlé de la situation ?
-Exacte. J’ai même dit « Tirez-vous ça pue ! ». Quand on trouve un truc qui pue qu’est ce qu’on fait ? On se tire ou on nettoie. Elle n’avait que la première option ! ».

MILITANTITSME OU MALHONNETETE POUR LES EXECUTANTS ? 50/50

Les gendarmes qui ont réalisé l’enquête terminent l’audience. L’adjudant Bazin d’abord. Il a travaillé sous l’autorité d’un magistrat et rédigé la note de synthèse. Il explique tout de suite qu’il n’a reçu aucune pression de sa hiérarchie, mais tout ce travail a été accompli seulement à trois. Ce qui est assez remarquable si on pense que l’instruction se compose de 13 volumes de plusieurs kilos chacun.
Le président déclare que, vu que l’enquête a été conduite sous la direction d’un magistrat, il lui fait confiance et ne posera aucune question, et laisse donc la place aux avocats, partie civile d’abord.
Ceux ci lui demandent comment se sont passés la garde à vue, plusieurs prévenus soutenant qu’on leur extorqué des aveux sous la pression, que des réponses ont été suggérées. Faux évidemment. Sur la corruption qu’entraînaient les fraudes électorales, l’adjudant Bazin est catégorique : « Que ce soit pour obtenir des places en crèche ou des logements, il fallait être inscrit sur des listes électorales. Je ne le déduis pas, on me l’a dit à plusieurs reprises. »
- A combien estimez vous le rôle du militantisme et celui de la malhonnêteté dans les agissements des prévenus ?
- C’était 50/50 mais ça continue !
- Le chiffre de 200 électeurs est il représentatif ?
- Non ! Cela concerne 1994 mais année après année, ce chiffre augmente, on en a beaucoup plus !

IL EST INCONCEVABLE QUE JEAN TIBERI N’AIT PAS ETE AU COURANT

Le maréchal des logis chef Guessant a travaillé à l’enquête de 2000 à 2003 : il a connu 4 juge d’instruction et 7 commission rogatoires. Lui aussi, on l’interroge sur les gardes à vue :
- Certaines personnes se sont mises à pleurer. Je suis persuadé que pour elles, cette garde à vue était un soulagement après des années de pression et de stress. Je mets à part le cas de madame Mokricky, car sa garde à vue ayant été prolongée, elle a fait une crise de nerfs. Mais je suis restée à côté d’elle vingt quatre heures et j’ai veillé à ce qu’elle soit confortablement traitée.
- Que pensez-vous du couple Xavière Tiberi-Anne-Marie Affret ?
- Deux personnes omniprésentes, qui donnaient toutes les directives. Il est inconcevable que Monsieur Tiberi n’ait pas été au courant.
- Vous avez écrit : « Il est louable de penser que les petits étaient des prête-noms pour le couple Tiberi.
- Je maintiens.
Pour les deux gendarmes, le délit est continu : ils ont repéré des électeurs inscrit frauduleusement depuis 1957. Le chiffre de 160 électeurs n’est qu’un échantillonnage et ne correspond pas à la réalité, le vrai chiffre est plus important.
Encore une question : « Quels éléments vous permettent d’incriminer Jean Tiberi ?
- Son rôle est matérialisé par celui de son épouse !

Dans le hall, alors que tout le monde, comme chaque soir échange ses impressions, l’adjudant Bazin me dit que le chiffre de 7000 électeurs lui semble infiniment plus proche de la réalité, et qu’il est dans la fourchette inférieure. Et il ajoute : « Si nous avions voulu interroger tous les gens qui avaient eu une inscription frauduleuse, et leurs complices involontaires ou non, nous en avions, à trois, pour trois ans à raisons de huit heures par jour sans arrêter les week-end ou les vacances ». « Un système ? Quel système » comme dit Jean Tiberi.