lundi 2 mars 2009

Procès Tiberi 11éme Journée : une confrontation très attendue

Chaque jour du procès, le président Jean-Louis Albert y a fait allusion comme une bande-annonce, comme un teasing, d’un spectacle à ne pas manquer. Donc c’est aujourd’hui et nous sommes tous là, parties civiles, témoins, avocats et un public (essentiellement féminin et toutes détentrices d’une carte senior) rameuté visiblement par le clan Tiberi. Avant de commencer, le président rappelle que cette confrontation générale est organisée pour faire éclater la vérité en vérifiant les points de concordance et de discordance ; tous ont la liberté de s’exprimer. Mais avant de commencer, chacun peut dire une ou deux choses.
Raymond Nantien est appelé le premier. Il dit qu’il éprouve peut-être de l’amertume mais de colère point. Il n’a pas mérité ce procès et il y a voit une énorme injustice. Il répète que les dossiers frauduleux ne passaient pas par lui. « Complicité passive, oui, il accepte mais les ordres venaient de Jean Tibéri lui-même. Lorsque Claude Comiti m’en a informé en 1991, c’est ce qu’il m’a dit. ».
Il répète qu’il a compris très vite que l’intention du Maire de Paris à l’époque était de lui faire porter le chapeau. Puis il se tourne vers Olivier Fabre et lui dit : « Avouez ! Ne dissimulez pas la présence de jean Tiberi Avouez qu’il fallait gonfler le corps électoral au sein de son parti pour gagner des sièges au Conseil de paris ! ». A madame Affret : « Dites la vérité : vous avez exécuté les ordres de Jean Tibéri. Il vous l’avait demandé ! » A Jaqueline Mokricky : « Vous étiez la cheville ouvrière, vous n’y pouvez rien ! » Et enfin, il ne se tourne même pas vers Xavière Tibéri mais dit seulement : « Elle doit dire la vérité et avouer son rôle ».
Enfin il conclut : « J’ai essayé, j’ai fait ce que j’ai pu mais plus, c’était impossible, j’aurais été laminé ! ».

Olivier Fabre lui succède. Il répète qu’il a dit la vérité, qu’il a vu Jean Tibéri en 97 à une réunion de retrait de cartes de faux électeurs, il rappelle, le lendemain de la perquisition son rendez-vous avec Jean Tiberi qui lui a promis un avocat –il était au courant- ! Il achève son exorde par cette phrase : « C’est ma parole de fonctionnaire de catégorie C contre celle des élus, je ne fais pas le poids ».

Très père noble et pas du tout ennuyé, Jean Tibéri se lève et confirme sans hésiter sa ligne de défense : « Je n’accuse personne, je n’ai jamais refusé de radiation, ces fonctionnaires mentent pour se protéger. Je reçois ces attaques avec peine mais je résiste ». Serein, le maire du 5eme ! Et le président Albert semble se demander combien de temps, il va se moquer de la justice. Quant à nous, électeurs du 5 eme, nous nous demandons aussi combien de temps il va nous prendre pour des imbéciles.

Anne- Marie Affret joue la dame débordée d’accusations, les acceptant de bonne grâce mais criant « N’en jetez plus » lorsqu’elle trouve que ça va trop loin. C’est elle qui fixe les limites on ne sait trop comment. Elle a tout avoué, tout expliqué sauf le nom des commanditaires. Et c’est là sa faiblesse et peut-être sa peur : « Je ne peux pas parler à la place des autres, il y a un vide à côté de moi, c’est sûr mais je ne peux pas faire plus. Je fais ce que je peux, Monsieur le Président mais si vous m’avez comprise, vous comprenez encore que je ne peux pas aller plus loin. » Sa voix se brise. Tragédienne authentique ou petite bonne femme terrifiée ? Le matou est là, juste derrière elle, prêt à croquer la souris si elle moufte . C’est l’impression que réussit à produire Anne-marie Affret.
Après ça, Patrick Mondain n’a pas grand chose à dire sauf qu’il estime –et il n’est pas le seul- que des fonctionnaires manquent dans ce procès et que aucune vérité ne sortira d’ici car « chacun y a intérêt ! ». Et il se rassied digne et amer.

Annick Mercier remercie Anne-Marie Affret de sa gentillesse passée puis la regarde : « Je ne peux pas affirmer que Madame Affret recevait ses ordres de Jean Tiberi mais j’en suis sûre ».
Jaqueline Mokricky quant à elle s’aligne sur son patron : elle n’a rien vu, rien entendu, rien fait et déclare qu’elle ne « peut pas dire n’importe quoi ! »
Les autres, Bardon, Matthieu reconnaissent les faits en les minimisant. Quant à Farida Sahnoune, elle, fidèle entre les fidèles, dénonce l’acharnement contre Jean Tiberi, qui « a fait de très belles choses dans le 5eme » et proclame fièrement qu’on le droit « d’aimer son maire » (hourivari dans la salle !). Le président conclut : « le tribunal appréciera » ce à quoi elle rétorque « Moi, j’apprécie pas du tout Monsieur le président ! ».
Puis on engage la confrontation.

Premier chapitre, comment Raymond Nantien a été nommé secrétaire général au cours d’un déjeuner avec le couple Tiberi au Méridien.
Les époux font bloc pour dénoncer l’affirmation.
Xavière : « Comment déjeuner avec lui, il n’a jamais offert un café ni un verre d’eau. Menteur ! Menteur ! ». Elle se lance dans des accusations plus grave prétendant que Nantien aurait connu de graves problèmes dans le 14eme L’accuse de harcèlement moral. Le Président la fait taire.
Quant à Jean Tibéri il dit n’avoir jamais parlé de quoique ce soit à Nantien.
Match nul.

Deuxieme chapitre : Le maire et le chef de bureau des élections sous les yeux du secrétaire général.
Le Président rappelle que Nantien a dit que Fabre avait été nommé par défaut…Tiberi : « Je ne connaissais pas monsieur Fabre . On ne m’a pas demandé mon accord. Quand on voit écrit « vu par le Maire » cela ne signifie pas accord ! Je suis très prudent ! ». Nantien soutient le contraire : c’est fonctionnement normal de la mairie, le maire a un accord sur la nomination des chefs de bureau !
Avantage : les fonctionnaires.

Troisième chapitre : le rôle de Jean-Charles Bardon.
Une potiche ! Il le revendique pour souligner son absence de pouvoir et donc se mettre hors de cause. Cela dit, Nantien soutient qu’il était au courant. Bardon lui , dit qu’il n’était pas en mesure d’agir. Le Maire répond bien volontiers que Bardon avait peu de pouvoir et qu’il savait qu’il ne serait maire qu’une mandature : il devait revenir. « J’étais le chef, le leader, quand je revenais dans l’arrondissement, je passais en premier. C’était naturel ! »
Là un détail piquant revient en mémoire aux habitants du 5eme présents dans la salle : en 1969, René Capitant, député du 5eme et ministre de la Justice avait un jeune suppléant : Jean Tibéri. Lorsque Capitant fut remercié, il s’en retourna à sa circonscription, où le suppléant loin de faire la potiche avait déjà pris le nid et refusa tout net et définitivement la place qu’il avait promis de tenir au chaud pour l’ex ministre ! On dit que la déception et le chagrin hâtèrent la fin de René Capitant !
Donc Jean Tibéri a l’expérience : il a pris Bardon comme maire supplétif, malléable et naïf, celui ci admet son incapacité : « le maire gérait tout de l’Hôtel de Ville avec Comiti, mon chef de cabinet qu’évidemment je n’avais pas choisi. Pas plus que madame Affret, ma première adjointe qui gérait son domaine comme telle. Elle ne me rendait jamais compte, d’ailleurs je ne mettais jamais les pieds dans sa permanence ». L’ensemble des prévenus fait chorus et confirme la structure et le fonctionnement de la mairie ainsi organisés. Mais Anne-marie Affret fait un couac : « Jean Tibéri me donnait des instructions. Jean Tiberi était le cerveau ». Nantien rattrape au bond : « Exactement. Il était le cerveau et elle transmettait aux petites mains ». Ce que confirme Fabre : « Je prenais mes instructions de Jean Tiberi via mesdames Affret et Tiberi ». C’en est trop pour Xavière qui grimpe au créneau : « Je n’exécute pas les ordres de Tibéri. Je ne suis pas son bras droit ! C’est une légende ! Je ne donnais aucun ordre. Je n’aurais jamais pu, on m’aurait chassée ! ». Là dessus elle boit un verre d’eau, a un aparté avec son mari, vite repéré par le président qui y met fin.
Madame Affret revient en scène « Tout ce que je faisais à la mairie, Jean Tiberi me disait de le faire. Madame Tiberi avait le rôle que son mari lui avait assigné : militante, chargée des crèches et de sa permanence. Elle représentait son mari, elle était présente. Quelquefois, elle me disait « Jean a dit de faire ça ou ça…Je ne prenais aucune initiative, mais madame Tibéri elle, pouvait en prendre, c’était la femme du maire ! ». Re-chorus !
Xavière se pointe devant le président : « Tant de mensonges, d’utopies (sic), de traditions (sic), ce sont des lâches, je dois sortir, aller fumer une cigarettes. Tibéri a fait leur carrière, ils ne seraient même pas capables d’être plantons, Tiberi a tout fait pour eux ! «
Le Président autorise Xavière à sortir sous les hurlements et effets de manches de tous les avocats.
Pendant son absence, quelques horions volent entre Nantien et Bardon le premier priant le second d’admettre qu’il essayait d’être maire et que, chaque fois il se faisait remettre à sa place par Xavière, « tu ne peux pas dire que tu n’as jamais pris d’engueulades ! ».

Quatrième chapitre : Xavière et Anne-Marie.
Sur leurs relations, elles ne sont plus d’accord du tout. La tactique d’Affret consiste à noyer l’interlocuteur dès qu’elle a le micro sous un flot de paroles douces prononcées d’une voix suave. Celle de Xavière est plus brutale : « Menteuse, mensonges et billevesées ! », assaisonné de quelques commentaires désagréables.
Anne-Marie Affret : « Madame Tiberi me disait souvent Jean a dit de faire ça…
Xavière Tiberi : C’est pas vrai…Tous ces gens ne méritent que d’être plantons ! »
Anne-Marie Affret « Xavière et moi on était toujours ensemble… »
Xavière (d’une voix tonnante) « On n’était pas toujours ensemble ! ».
Les parties civiles interviennent auprès de Xavière :
« Madame Tibéri, Anne-Marie Affret est-elle une amie ? »
Xavière « Comme beaucoup d’autres . C’est la première adjointe de mon mari. Moi je suis la femme du maire. C’est une collaboratrice que j’aime beaucoup, une amie mais pas au sens amie d’enfance avec qui je passe des réveillons et prend des vacances ensemble !
Anne Marie Affret : « Nous étions souvent ensemble ! »
Xavière : « C’est pas vrai.Vous voulez atteindre mon mari à travers moi. C’est connu dans toute l’histoire de France et du monde, on attaque la femme pour tuer le mari ! »
Les parties civiles : « Anne-Marie Affret a parlé du maire comme du cerveau… »
Xavière « C’est une accusation très grave. Pendant qu’il était maire de Paris, des personnes ont pris le pouvoir dans le 5eme ».
-Etait-il le patron ?
-Patron, Cerveau c’est très grave.
Le Président à Anne-Marie Affret : « Qu’en pensez-vous ?
AnneMarie Affret : « Elle a pas compris ! On était ensemble pour tout le monde, et elle me disait ça et ça. Patron, cerveau, c’est pas une accusation. Il faut faire mon procès à moi toute seule ! Il était mon patron, je le remercie… »Puis Anne Marie Affret s’engage dans une longue déclaration en louvoyant laborieusement entre l’idée qu’elle n’a pas pris seule les initiatives sans pouvoir vraiment dénoncer l’instigateur de celles-ci. Mais c’est un peu tard. Il semble que tout le monde ait compris malgré les dénégations de Xavière et celles de Jean Tibéri.
Quant à Xavière, elle lâche visiblement Anne-Marie Affret : « Je cloisonne, je cloisonne, il y a l’amitié et il y a le travail. Je n’ai jamais transmis d’ordre de Tibéri ».
L’avocat de Anne-marie Affret lui demande pourquoi, elle voit dans l’expression « Tiberi était le cerveau » une grave accusation. Elle le renvoie sur le banc de touche : « Vous, depuis plusieurs jours je vous considère comme un avocat de la partie civile ! ».

Cinquième chapitre : La Fraude.
Jean Tiberi à la demande du Président, constate la fraude. Il est navré, il déplore, si seulement Nantien lui avait fait part de ses découvertes ! Si Anne-Marie Affret lui avait dit ! Il se plaint que le rapport du Conseil Constitutionnel sollicité après 97 a été rédigé par la femme d’un de ses adversaires politique mais que malgré tout, le Conseil n’a pas invalidé son élection…donc la fraude était inutile ! Tous les autres se récrient : la fraude existait bien avant, en nombre et depuis 1977 pour Raymond Nantien. Olivier Fabre, dit qu’il savait, qu’on lui en parlé comme se déroulant depuis les années 80 ! « Tous les membres du bureau étaient au courant et avant moi ! ». Ils auront beau faire, rappeler des rencontres, des entretiens avec le maire, celui-ci tient bon : « Rien ! On ne lui a rien dit, ni ses chefs de cabinet de l’époque, ni plus tard ». Quant à l’administration, ce n’est pas de sa compétence.
« Voilà une mairie qui fonctionne mal » commente le président un rien méditatif.
Toutes les petites mains reconnaissent leurs différentes activités frauduleuses : l’une a mis du blanc sur les adresses pour en ré-écrire une autre fictive sur les dossiers d’inscription, un autre a signé, un troisième a refusé de signer mais a rempli des formulaires fantaisistes…Pendant ce temps jean-Charles Bardon s’enfermait dans son bureau pour ne rien voir mais savait, Nantien se lamentait et Olivier Fabre fermait les yeux et déprimait! Ils seraient presque d’accord s’il n’y avait ces dossiers qui devaient passer chez Nantien et que celui-ci n’aurait pas vu ou pas voulu voir…

Sixième Chapitre Les réunions le soir après la fermeture des bureaux.
On l’aura compris le système de base était simple : soit on ne radiait pas les électeurs partis et on leur demandait de continuer à voter dans le 5eme, soit on inscrivait des électeurs habitant ailleurs (amis, affidés, obligés, employés éboueurs de la Ville de paris) et on leur donnait une adresse fictive les hébergeant chez des gens de confiance. Certains votaient après avoir obtenu un logement dans le 5eme ou ailleurs ou une place en crèche. C’était l’usage. Il y en a même eu dans un studio appartenant à Madame Tibéri ! Mais, ces électeurs devaient avoir une carte, ou du moins savoir qu’ils l’avaient. Pour cela il fallait la leur envoyer la carte. Donc, les cartes partant à l’adresse fictive, revenaient avec la mention NPAI. Ces cartes étaient rangées dans de solides boites en bois et avant chaque élection on devait les récupérer pour les envoyer. D’où ces réunions nocturnes et secrètes. Mais maintenant, plus personne ne veut y admettre sa présence.
Olivier Fabre, comme cela se passait dans son bureau ne nie pas, ni Anne-Marie Affret, et Raymond Nantien. Restent les époux Tiberi et Jaqueline Mokricky. Celle-là a du mal. Elle finit par admettre qu’elle a du « aller par hasard chercher des cartes que des personnes rencontrées par hasard aussi dans l’arrondissement lui avaient dit ne pas avoir reçues ». Pourquoi à elle ? Parce qu’elle travaille à la mairie évidemment. Elle ne se souvient pas du tout avoir vu du monde au bureau puis finit par dire qu’elle a peut-être croisé Madame Tiberi, madame Affret…enfin peut-être, possible mais pas sûre. Jean Tiberi prend un air offusqué à l’idée qu’on imagine sa présence dans une telle circonstance. Quant à Xavière c’est bien simple : à l’époque Tiberi était maire de Paris et ils sortaient tous les soirs par obligation.
Seul défaut dans cette cuirasse : le mauvais caractère de Monsieur Bouzeret. C’est le gardien à la mairie. Un jour, Xavière l’aurait traité de « fainéant » depuis il note sur un cahier tous ceux qui entrent et qui sortent à la minute près dès la fermeture et avant l’ouverture des bureaux. Il a bien noté en avril 94 et 97 des allées et venues vers 23 heures de Monsieur et madame Tiberi de Mokricky et des autres. Seul commentaire de Xavière : « Il faudrait que je sois folle pour aller au bureau de vote qui est sous microscope électronique ! » (sic).
Quant à Jean Tiberi il dit « Je ne me souviens de rien. D’ailleurs je trouve curieux que Monsieur Bouzeret note ces choses là ! » Puis il se contente de pointer les différentes versions d’olivier Fabre concernant sa présence.
Mais ça dure. On discute sur des détails apparemment peu importants mais qui finissent par user la résistance des uns et des autres : qui a pris quelles cartes ? Qui a vu qui faire quoi ? La fatigue monte avec la fin du jour et peu à peu chacun lâche sauf Tiberi évidemment qui en vu d’autres. Alors Xavière dit « Bof si tous ces menteurs m’ont vue, hein, je vais dire que j’y étais ! Mais moi je sais que je n’ai jamais retiré une seule carte ! ».
Jean Tiberi a mauvaise mine, ce soir. Madame Affret ne parle plus à Xavière. Les avocats de la partie civile réfléchissent à leur plaidoirie pour demain. Finalement qu’est ce que ça a donné cette confrontation ? Une petite chose avec de grosses conséquences : le dernier carré des Tibéristes a craqué : Xavière s’est désolidarisé d’Affret, Mockricky a été obligée d’avouer une partie de sa complicité, et le chef malgré ses dénégations est tout de même impliqué.

Demain, plaidoiries de la partie civile. Puis la semaine prochaine, le réquisitoire et les plaidoiries de la défense.